Restos / Bars

La Buona Forchetta : Roberto, Roberto et leurs bonnes fourchettes

Entre les rues Chapleau et Franchère, l’avenue du Mont-Royal prend des airs de Far West. À l’est, les cow-boys; à l’ouest, les Indiens. La Buona Forchetta est installée dans la zone neutre et propose une cuisine censée rapprocher les extrêmes.

On trouve ici un joyeux duo de cuistots appelés Bob et Rob qui ont pris en main la destinée de la maison. Le genre de chefs capables d’avoir des éclairs grivois dans l’oil en parlant de champignons sauvages cueillis dans les sous-bois à l’automne. Pour moi, c’eût été suffisant. Quand j’ai vu leur cave, j’ai su que, vous aussi, vous seriez intéressés.

La Buona Forchetta ne paie pas de mine. On sent que les propriétaires ont fait du mieux qu’ils pouvaient avec les moyens du bord. On est loin des salles hyper-léchées de certains restaurants chics du centre-ville, ambiance Wallpaper et fond sonore lounge. Ici, c’est plutôt rustique, et Caruso alterne avec Sade sans aucune discrimination. La salle est confortable – bûche dans le foyer, nappes et serviettes en tissu – et le décor, parfois déstabilisant – chaises et tables burinées à même les inventaires de Stelco et Goodfellow.

Le service est assuré avec efficacité par Angelo qui sourit derrière sa grosse moustache avec l’assurance de celui qui accomplit bien sa tâche.

Mis à part deux ou trois articles, la carte est italienne, de la soupe au dessert. Et on ne parle pas ici de l’Italie des quartiers chichiteux de Rome ou de Milan, mais de celle des familles, des campagnes, de la vraie vie. Cuisine rugueuse, pleine de saveurs, d’odeurs fortes et de textures franches.

Dans toute sa simplicité, cette soupe du jour, par exemple, aurait pu être servie à la maison: bouillon riche, généreux morceaux de poulet, légumes en gros dés; savoureuse, simple, rassurante.

Mêmes commentaires pour les hors-d’ouvre, comme la peperonata, belle assiette de saucisses italiennes préparées maison et de poivrons sautés, huile d’olive, pointe d’ail, discrètes traces de tomate – parfumé et goûteux à souhait. Ou cette salade Cesare (sic) qui, même servie en demi-portion, pourrait constituer un repas pour une personne à l’appétit modeste. La version locale des suppli al telefono, ces croquettes de riz, classiques de la cuisine italienne, manque un peu de punch, lire "est très ennuyeuse", mais que celui qui n’a jamais péché jette la première croquette.

Les pâtes, offertes dans toute la panoplie traditionnelle, sont servies en portions familiales également, familles italiennes où la nonna et les autres dames en cuisine attachent la plus grande importance à gaver scrupuleusement les gens autour de la table.

Des matriciana aux primavera, en passant par les al vongole, les assiettes débordent, les sauces abondent, noyant parfois alors qu’elles pourraient accompagner, allumant toujours des sourires radieux sur les visages des adolescents inscrits au concours du Jour-où-j’ai-mangé-la-plus-grosse-assiettée. Les adultes laissent à regret une bonne partie des plats, et pas seulement parce que les pâtes ont tendance à être cuites au-delà du al dente réglementaire, mais bien parce que les portions sont pantagruéliques.

Les plats de viandes sont bien travaillés, notamment le veau dans cette paillarda, escalope d’une grande tendreté, aux parfums de romarin, de basilic et de pesto, relevée d’une pointe d’ail et de quelques touches d’huile de basilic. Bien grillée, bien présentée. Au suivant!

On finit avec un de ces desserts dont les Italiens ont le secret, tartufo, tiramisu, zabaione ou semi-freddo. Généreux au-delà de ce qu’un appétit normal peut accepter. Là aussi, vous ferez le bonheur des enfants.

Les grands, eux, peuvent se dorloter avec l’un des 337 (!) crus proposés par la maison. Une carte des vins de 16 pages bien remplies, ça retient généralement l’attention. Une cinquantaine de propositions à moins de 60 $, de très belles étiquettes pour une centaine de dollars et quelques perles comme ce Sassicaia 1997, Bolgheri, Tenuta San Guido, ou ce Tignanello 1998, Toscana, Marchesi Antinori, que vous pourrez offrir à l’être cher si votre banquier vous a octroyé une ligne de crédit plantureuse.

La Buona Forchetta

2407, avenue du Mont-Royal Est, 521-6766

Ouvert le lundi de 11 h à 15 h, du mardi au vendredi de 11 h à 15 h et de 17 h à 22 h, le samedi de 17 h à minuit et le dimanche de 17 h à 22 h.

À midi, table d’hôte de 14,95 $ à 41,95 $ (pour un rib steak Angus 24 onces dans ce dernier cas). En soirée, comptez une soixantaine de dollars pour deux personnes avant boissons, taxes et service. Compte tenu de la richesse de la cave, vous voudrez sans doute apporter votre tirelire et repartir en taxi ou en transport en commun.