Qui connaît la cuisine coréenne? Qui, pendant qu’on y est, connaît la Corée? Ou plutôt les Corées, celle du Nord, qui défraie la chronique pour des motifs pas rassurants du tout, celle du Sud, grande exportatrice de voitures devant l’éternel? Faute de porter ses pénates là-bas, pourquoi ne pas, par le truchement de sa cuisine, effleurer cette culture méconnue?
La Maison de Séoul a pignon sur rue à la limite de Westmount et de Notre-Dame-de-Grâce, dans un local convenable, où les restos se succèdent pourtant à un rythme affolant. Cette fois-ci, on l’espère, sera la bonne. Si la qualité de la cuisine y est pour quelque chose, il y a lieu d’être optimiste.
Première constatation, la parenté entre les cuisines japonaise et coréenne, ce qui, vu la géographie et l’histoire, n’étonnera personne. On retrouve ainsi au menu des tempuras, des nouilles udon et des teriyakis. Mais là s’arrête la comparaison.
En entrée, nous avons opté pour des tempuras de légumes (de patates douces, notamment), des mandus, croissants de pâte farcis au boeuf qui rappellent les gyozas japonais, et des kampungkis, morceaux de poulet frit accompagnés de sauce, qui font penser au célèbre poulet Général Tao, en moins sucré, en plus acide et en plus piquant. Autant de mises en bouche délicieuses. On pousse l’hospitalité jusqu’à vous offrir la soupe miso et une petite salade!
(On n’oublie pas non plus les kim chi, emblèmes de la cuisine coréenne: du chou mariné, très pimenté, littéralement servi à toutes les sauces, auquel s’ajoutaient, ce soir-là, des "marinades" plus ou moins incendiaires à la chicorée, aux pois mange-tout et aux pommes de terre, toutes dépaysantes, toutes agréables.)
Difficile, pour la suite, de passer à côté du fameux bulgogi, qui assure à juste titre la renommée de cette cuisine: de fines tranches de boeuf mariné, qu’on peut vous servir déjà cuites ou crues. Rassurez-vous: dans la dernière éventualité, on pose sur la table une sorte de four où vous pouvez saisir la viande (sinon, les serveuses la bichonneront pour vous). Tendre, juteuse, sucrée, relevée juste ce qu’il faut, elle vous réconcilie avec vos inavouables penchants carnivores. De quoi faire pâlir d’envie ou rougir de honte, c’est selon, les molles et insipides boulettes de boeuf que les grandes chaînes vendent par millions. On vous suggère de l’envelopper d’une grande feuille de laitue avant de la manger. Les téméraires mordront à belles dents dans les gousses d’ail et les piments géants proposés en garniture.
Le champong, qui figure parmi les plats de nouilles au menu, est plutôt une soupe de moules, de crevettes et de calmars accompagnés de nouilles qui ressemblent à s’y méprendre à des spaghettis. Le bouillon délicieux, au goût de fruits de mer prononcé, est d’un beau rouge et beaucoup moins pimenté qu’on pourrait le craindre. Peut-être dose-t-on le feu en fonction de la tête du client. Antidote idéal à une froide soirée d’hiver.
Plus conventionnel, mais exécuté de main de maître, le sauté aux fruits de mer, servi sur une plaque chauffante, rappelle encore une fois les plats japonais, en plus sucré.
La carte des desserts, rarement le point fort des restaurants asiatiques, réserve pourtant des surprises. Ainsi, cette glace tempura au parfum agréable, enserrée dans une pâte relativement épaisse, et des petits gâteaux aux noix de Grenoble (plaisamment appelés "grenobles" dans le menu), mini-beignets fourrés d’une crème peu sucrée, servis chauds.
Le resto, en un sens, est peut-être déjà victime de sa réussite. Les tables, nombreuses, eu égard à l’espace disponible, forment un véritable labyrinthe, la présence de familles et de groupes entraînant une disposition anarchique. Au coude à coude avec vos voisins, vous sentirez sans doute le vent que font les serveuses en se faufilant entre les tables. Heureusement, le décor apaisant, dans des tons orangés, a l’heur de mettre les clients à l’aise, tandis que les fenêtres en trompe-l’oeil font oublier l’exiguïté des lieux.
Votre coréen laisse à désirer? Sortez votre anglais du dimanche ou faites appel au langage universel des signes. Savourez l’impression d’être ailleurs. Le menu, fort heureusement, est rédigé en français convenable.
Les accents toniques de la cuisine de la Maison de Séoul donnent soif. On accompagnerait volontiers son repas d’une bonne bière. Hélas, l’établissement, pourtant ouvert depuis un certain temps déjà, attend son permis d’alcool. On se consolera en buvant du thé.
Bémol: les tables trop rapprochées.
Dièse: la cuisine savoureuse, le dépaysement garanti.
5030, rue Sherbrooke Ouest
489-3686
Entrées: 1,50 $ – 4,50 $
Plats principaux: 6,95 $ – 12,95 $