Mais comme disait si justement notre bon Capitaine: "les sceptiques seront confondus", et je le fus! D’abord par le décor chaud, aux teintes d’ocre et d’orangers, mariant oeuvres d’art traditionnelles et tables élégamment nappées. Puis, par la musique chevauchant là encore tradition et modernité, dans des rythmes parfois langoureux, parfois entraînant, toujours envoûtants. Enfin, l’accueil et le service, plein de cette énergie que confère les nouveaux défis relevés avec enthousiasme. Bref, on s’y sent tout de suite bien.
De notre table, nous pouvons observer, dans leur vibrante cuisine ouverte, la chef Cree Phoebe Sutherland – chef au sens gastronomique du terme, s’entend! – et son mari, le chef Warren, qui s’affairent à nous amener avec eux au bout de leur rêve.
Question de nous occuper pendant que nous lisons le menu, un désopilant bol de maïs soufflé traîne sur notre table. La carte, elle, propose saumon, canard, truite, caribou et bison, comme on pouvait s’y attendre, mais la surprise vient de leur interprétation. "Fusion autochtone", me dira plus tard Phoebe, pour expliquer les accents aztèques, pueblo ou navajo qui s’allient aux traditions canadiennes.
Lucille ouvrira la danse avec une soupe au riz sauvage, seule déception de la soirée: le bouillon est fade et les champignons sauvages annoncés sont presque inexistants. Elle louchera donc avec envie sur mon splendide ragoût de champignons – shitakes, pleurotes, creminis et portobellos – sauce beurre et demi-glace, servi dans une corolle de pain Navajo frit. Un pur plaisir.
Elle poursuit avec une poitrine d’oie au jus, pilaf, épinards et carottes à l’érable. La viande presque saignante est tendre et goûteuse; les légumes bien apprêtés. J’y vais d’un assemblage de filets de truite de lac moelleux emprisonnant riz sauvage et canneberges en une farce savoureuse. Une sauce aux tomates bien relevée soutient l’ensemble avec brio, sans en étouffer la finesse. Seuls les petits haricots verts auraient pu supporter quelques minutes de plus de cuisson.
Heureuses, nous pensons nous en tirer avec une tisane, mais c’était sans s’enfarger dans la crème brûlée au romarin… Aïe! Le bonheur est si simple… et si accessible, parfois. Un miroir parfait, une crème onctueuse et fine, une franche saveur de romarin rafraîchissante. Plus sage, Lucille ira de petits sablés qui accompagnent très bien son thé algonquin.
Et nous voilà reparties avec au cour la joie d’une belle découverte. Voici donc un petit bistro nouveau qui saura dérouter et réjouir… même le visiteur qui ne jure que par Montréal ou Toronto! Pourquoi subir la dinde, quand Sweetgrass vous offre de l’oie? Et les canneberges sont de la partie!
Un repas pour deux fait dans les 60$, avant vin, taxes et pourboire. Seul le caribou arctique pourrait venir défoncer le budget, à 39$ l’assiette; mais, nous dit-on, il y a des ces folies qu’il faut parfois se payer. Avis aux intéressés: un menu spécial est prévu pour le Jour de l’An…
Sweetgrass
108, rue Murray
Ottawa
Tél.: 562-3683
www.webdude.ca/sweetgrass