Restos / Bars

Michelangelo : Faim bénie

L’indéfectible courtoisie du service va de pair avec l’excellence d’une table généreuse et pleine de surprises.

Comme chaque fois, nous franchissons le seuil de la bâtisse avec une certitude: nous allons nous régaler. Parti pris? Il y a un peu de cela, mais surtout de bons souvenirs. Nos papilles ont bonne mémoire, si je puis dire. Nos souvenirs affluent de plus belle, quand, après avoir pris place à une grande table ronde, nous ouvrons la carte de manière presque solennelle. On jurerait le premier repas de notre vie; c’est seulement l’un des derniers d’une année moribonde. Tout d’abord, la table gastronomique de sept services, sans doute libellée pour être déclamée d’une voix de stentor: carpaccio de thon à l’huile d’agrumes pimentée et buisson d’aragula (roquette); focaccia grillée, poire et speck (type de jambon fumé); filet de veau de lait à la truffe et son spaghetti au foie gras… En tenant compte du granité de pommes et calvados, de l’assiette de fromages, des aiguillettes de canard gavé, etc., nous optons pour une sagesse temporaire en cette période où les festins se suivent et ne se ressemblent pas. Dans les rubriques "Viande", "Poisson" et "Pasta", mon amie se cherche une nouvelle raison de sourire à la vie. Longtemps après son porto blanc, je me fais servir un verre d’Asti Spumante qui me tiendra lieu d’apéro… prolongé. D’un peu partout, des différents îlots qui composent la salle à manger, nous parviennent des bruits de conversation étouffés. Efficace et discret, un personnel stylé veille, prêt à intervenir au moindre signe de notre part. Ici, on propose grissini, pain aux noix, pain aux olives; là, on décante un bon cru; là encore, on dresse une assiette de desserts… Peut-être serions-nous déjà morts d’inanition sans les quelques amuse-gueule servis d’office, en l’occurrence des wontons au "thon asiatique". Du côté de la table d’hôte, ris de veau, linguine aux moules, fettucine carbonara, longe de thon et filet de veau de lait mènent le bal. "Je ne sais plus…" murmure mon amie, après avoir trois fois choisi et trois fois changé d’idée. Une ou deux questions posées à l’un des serveurs, deux ou trois minutes de réflexion, puis elle se dit prête. Moi, j’y vais d’une demande spéciale qu’on accueille pourtant sans surprise aucune. Il ne nous reste plus qu’à trinquer encore en attendant nos premières assiettes. La salade caprèse à l’huile d’olive extra-vierge, jambon de Parme, tallegio et crostini se présente sous la forme d’une petite architecture, à peine plus haute que large, combinant harmonieusement le rouge des tomates, le brun rosâtre du jambon, le crème du fromage, le vert frais du basilic. Du point de vue des textures et des saveurs, le mariage se révèle parfait. Rien n’y est de trop, ni le salé ni l’acide. N’est-il pas temps que je m’intéresse à ma soupe qui refroidit? Un minestrone, moi qui n’en suis pas friand d’habitude. Mais, là, chapeau! Rien à voir avec ces soupes qu’on s’oblige à manger au nom de la santé. Il s’agit plutôt d’un pur plaisir où l’on cherche à peine à identifier les dés de céleri ou de courgettes, le brocoli, le chou-fleur… Rien pour vous contrarier ou vous distraire, ni acidité excessive, ni pépins de tomates échappés du tamis. Déjà, mon amie a repoussé sa petite assiette vide et s’est fait servir un verre de Montepulciano d’Abruzzo (2001), que suivra de peu un Col di Sasso de la même année. Le peu qui reste de mon minestrone s’en retourne bientôt aux cuisines et je remets la main sur mon verre d’Asti Spumante. C’est à l’eau fraîche que j’affronterai la suite, une suite qui nous en met plein la vue, le goût et l’odorat. Le "spécial veau Michelangelo" servi à mon amie est constitué de quatre plats en un, quatre fines escalopes apprêtées chacune de manière différente: aux tomates et au parmesan; au porto; saltimbocca (à la sauge); aux champignons. Difficile de préférer une recette à une autre. D’ailleurs, à force de vouloir comparer, on s’aperçoit qu’il n’en reste déjà plus rien, et rien non plus des fettucine à la crème servis en accompagnement. Au lieu des aubergines à la parmigiana, j’avais simplement demandé des linguine au foie gras pour escorter mon filet de veau de lait à la truffe noire. Simplement. Cuit à la perfection, à peine croûté à l’extérieur et légèrement rosé à l’intérieur, le filet de veau n’attend que d’être sous la dent pour libérer un jus sapide qui vous fait saliver tant et plus. La sauce, bien serrée, y met du sien et, au hasard des bouchées (chacune en appelant une autre), se trouve diverses affinités avec le foie gras cuit sans excès et les pâtes pas trop al dente. Si bien que j’évolue en pleine euphorie, l’humeur festive et la fourchette leste. Quand enfin mon appétit consent à défaillir, mon amie arrive à la rescousse. Malgré cela, mon assiette ne repart pas aussi vide que nous l’aurions souhaité: il nous fallait tout de même réserver un peu de place pour la crème brûlée au chocolat et au piment fort (en l’occurrence, au jalapeño).

Ristorante Michelangelo
3111, chemin Saint-Louis
Sainte-Foy (Québec)
Téléphone: (418) 651-6262
Table gastronomique: 69,75 $
Table d’hôte: 26,75 à 36,75 $
Menu du jour à partir de 18 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 148,09 $