Scotch? Lillet? Ricard? Pernod? Caribou?… Alors que je me rabats sur un Pineau des Charentes, elle opte pour un Glenfiddich. Si le nom du resto évoque par sa consonance le soleil et les plages, la musique s’emploie à peaufiner le dépaysement – voix et rythmes latinos repassant un répertoire de sons, de boléros et de salsa qui nous est de plus en plus familier. La cuisine, elle, se veut résolument française, privilégiant les grillades, poissons et fruits de mer. C’est du moins ce que nous annoncent les menus affichés dehors. Il ne nous semble pas encore temps d’ouvrir la carte posée devant nous. L’heure est à ces longs soupirs dont on ponctue les haltes et à l’examen de ce décor plus que sobre: un casier à homards accroché au-dessus du bar; à l’entrée, une étagère où se pressent de grandes bouteilles (rhums et autres alcools) et un cellier dressé presque sur le seuil de la seconde salle à manger; tout cela dans un environnement de vieilles pierres grises relayées ici et là par des pans de mur verts. Des chaises confortables, à haut dossier, cernent les grandes tables rondes. Mon estomac s’ennuie. Saucisse de cerf aux bleuets et à la bière, salade de saumon frais, brochette de poulet, saucisse de faisan, bavette de cheval au poivre… Ce ne sont là que des exemples des menus du jour, la table du soir proposant plutôt les calmars frits, le tartare de pétoncles, la crème de brocoli (œuf mollet du vignoble, salpicon de chou-fleur) et la petite salade du jardin – autant d’intros pour vous préparer à l’un ou l’autre des plats de résistance. D’abord tentée par la grillade d’espadon mariné au gingembre et miel, mon invitée dérive en direction du médaillon de bison et crevettes tigrées (sabayon glacé au cognac). Elle bifurque en cours de route, sollicitée par une assiette méditerranéenne de poissons et fruits de mer, puis change encore de destination… Entre-temps, elle s’est fait apporter un quart de litre de vin maison (Fontana Morella). Quand je me décide enfin à commander, la carte n’a presque plus de secrets pour moi. Je pourrais décliner par cœur ses pastas (fettucine, linguine et farfalle), ses viandes (tartare de bison, entrecôte au poivre, côte de veau grillée, carré d’agneau au romarin), ses homards, saumons et filets de sole… J’ai choisi en entrée la caille grillée accompagnée de ses terrines de gibier sur coulis de porto et bleuets. La sauce, particulièrement réussie, a la couleur des baies qui lui donnent aussi un peu de sa saveur. Son goût se marie au mieux avec celui des terrines. Une petite déception, toutefois: la caille, desséchée, me laisse croire (à tort ou à raison?) qu’elle a été sur-réchauffée. L’avantage de ne pas manger seul: je puise un peu de réconfort dans l’assiette de mon invitée – des poivrons grillés accommodés en salade chaude et largement ponctués d’un fondant de chèvre chaud, un mets fort simple et pourtant délicieux. Une autre surprise agréable se présente ensuite à nous sous la forme d’un potage savoureux, cette crème de brocoli dont l’"œuf du vignoble" m’intrigue. Au beau milieu du potage, une coulée de jaune s’échappe d’un œuf mollet assombri par un court séjour dans du vin rouge. Bien présents, quoique subtils, les goûts s’harmonisent pour chanter en bouche. Nous n’avons presque plus faim, et l’essentiel ne nous est pas encore servi. Tiens, le voici, justement. Pour moi, une "fleur de veau et volaille" flambée au Cointreau. C’est une fleur, en effet – on dirait une rose presque éclose -, qu’on a posée sur deux escalopes de veau généreusement nappées d’une délicieuse sauce caramélisée, un peu douce, qui s’accorde bien à la chair du poulet, mais beaucoup moins au veau. Des légumes cuits juste à point complètent la présentation: courgettes, carottes, brocoli… Les mêmes légumes décorent l’assiette de mon invitée. On y retrouve aussi du riz, un riz bien assaisonné, cuit comme il se doit, et qui s’imprègne en outre d’une abondante sauce homardine. L’essentiel de ce plat est constitué de crevettes… grandes, géantes, gigantesques… Chacune fait au moins une dizaine de centimètres de long. Et dodues avec ça! On les croit coriaces; elles sont d’une tendreté exceptionnelle. Et goûteuses. Combien sont-elles? Quatre? Cinq? Bref, elles semblent remplir l’assiette et, à deux, nous n’en venons pas à bout. Pour le moment, rayons le mot dessert de notre vocabulaire. Mon invitée accepte néanmoins un cognac en guise de digestif. Et, après les cafés, nous nous laissons tenter par les truffes au chocolat arrivées comme par miracle jusqu’à nous.
Restaurant La Cuesta
29, rue Saint-Stanislas
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 694-7077
Table d’hôte: 23 à 34 $
Menu du jour à partir de 8,50 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 83,63 $