Restos / Bars

Geraldo’s : Tout ou rien

Comme un phoenix renaissant de ses cendres, c’est avec enthousiasme que Geraldo’s avait réouvert ses portes, rue Beechwood. Après quelques années de repos, pendant lesquelles Baco tenta sans succès de prendre la relève, voici que l’on ramenait l’Italie dans cette chaleureuse maison. Une visite rapide, il y a bien deux ans, ne m’avait pas convaincue, mais m’incitait à rappliquer. Ce que nous fîmes, Michel et moi, un jeudi soir glacial.

Ma copine Sylvie me répète toujours: "cesse de chercher de bons italiens, ça te rend de mauvaise humeur!". Il faut toujours écouter ses amis, conclura plus tard Michel… Pourtant, les choses n’avaient pas si mal commencées. L’accueil était chaleureux; la petite salle du rez-de-chaussée, occupée par quelques tablées de têtes blanches me surprit un peu, mais la grande salle de l’étage, aux murs d’un jaune vibrant et chaud, exhibait une clientèle beaucoup plus hétéroclite. Éclairage doux, nappes blanches, ambiance feutrée nous permettaient d’espérer d’agréables moments.

Première déception, et de taille: l’Italie a été évacuée au profit d’une cuisine fusion internationale comme on en retrouve tant et tant. Moi qui avait envie du réconfort de pâtes bien fumantes… Trois entrées, trois salades, une soupe et une demi-douzaine de plats composent un menu qu’on dirait frugale. Michel opte pour la soupe du jour, une chaudrée de fruits de mer délectable, quoique indécemment crémeuse, dans laquelle on trempe son pain en comptant les calories! J’y vais plus sagement – oh, à peine! – d’une salade César faite de laitue romaine bien croquante, de flocons de pancetta séchée croustillants, d’éclats de parmesan frais, le tout lié d’une sauce crémeuse au citron et câpres et décoré de tranches d’orange sanguine. Beau et bon, en portion raisonnable pour une entrée.

Je fais suivre d’un magret de canard impeccable. Servi sur une purée de pomme de terre parfumée à la truffe et un mijoté de lentilles vertes, la viande est agréablement croustillante à l’extérieur, avec un cœur saignant, et relevée juste ce qu’il faut d’un jus au cumin. Pendant que je jubile, mon ami pêche dans son assiette quelques bouchées d’un saumon insipide. Servi sur un lit de linguini, julienne de carottes et courge, le poisson se noie dans un bouillon qu’on annonçait aux champignons parfumé de citron; on cherche en vain toute saveur qui pourrait nous faire oublier celle de la chair trop cuite. Heureusement, mon assiette étant copieuse, je la partagerai sans trop me faire prier.

Ce n’est qu’au moment de nous retirer nos assiettes que le serveur, passant outre sa timidité évidente, s’enquit – enfin!! – de notre satisfaction. Il est malheureusement un peu tard pour rectifier le tir et nous repartirons amers. S’il s’était donné la peine de venir, à l’occasion, remplir nos verres de vin, peut-être aurions-nous eu la chance de lui signaler notre déception. Mais en nous ignorant toute la soirée, il n’a fait qu’exacerber notre insatisfaction. Devant cet état de fait, nous passons outre les desserts, bien qu’invitants, et rentrons prestement chez nous.

Je n’aurais pas le jugement sévère de mon ami – il a souffert plus que moi! – mais je dirais simplement qu’il s’agit là d’une cuisine inégale et d’un service qui demande un peu plus d’aplomb. Car pour un prix moyen de 70$ pour deux, avant vin, taxes et pourboire, on peut espérer mieux.

Geraldo’s
200, av. Beechwood
Ottawa
Tél.: 747-0272