La soirée commence par un lapsus. Le mien. Dans le courant de l’après-midi, je pestais encore contre les bobos qui harcèlent mon PC depuis des semaines et songeais, nostalgique, au bon vieux temps de la machine à écrire. En arrivant au cocktail d’ouverture du tout nouvel Aviatic Club, quand quelqu’un m’a demandé ce que je prendrais, j’ai répondu sans hésiter: "Une Smith-Corona!" Ahurissement, ponctué d’un: "Quoi?" C’est seulement en répétant que je me rends compte de la bévue… Alors, j’efface "Smith" et je prends une Corona bien froide en me promettant d’oublier, au moins pour la soirée, les virus, Novarg et consorts. Nous sommes là, nombreux, la plupart groupés près du bar, dans cette aire entièrement rénovée et baptisée Le Cockpit. Chic de bon ton, luxe discret. On bavarde, on discute, commentant l’étourdissante panoplie de cocktails détaillée dans une "carte" qui passerait facilement pour une petite Bible. Autour de moi, on en sirote de toutes les couleurs, trinquant au Grey Goose, à l’Ultime Cosmopolitan, aux martinis et vodkatinis les plus divers. Et voici venir les amuse-gueule et les bouchées qui nous révèlent à notre faim la plus intime, de délicieux wontons au poulet bien relevés, entre autres, puis des sushis et sashimis – dont une petite merveille au thon rouge épicé. Et nous passons à table dans la grande salle à manger, rénovée elle aussi, aménagée dans un environnement de briques claires et de boiseries sombres. Une hélice d’avion ici, là toute la collection de photographies en noir et blanc évoquant l’ambiance d’une halte aérienne ou d’un mess de la Seconde Guerre mondiale. La vraie curiosité se trouve au plafond. Des éventails! Une double rangée d’éventails animés d’un mouvement alternatif et lent. Le repas commence par une "Bento Box" pour deux, grande boîte rectangulaire qu’on découvre brusquement, d’un mouvement presque théâtral. Une entrée, tout ça? Doigts et fourchettes se ruent à l’inventaire: pétoncles mi-cuits au sabayon épicé, aussi moelleux que des mottes de beurre; maki de filet de bœuf frit en tempura (sauce sunomono); ris de veau poêlés en croûte de sésame, sauce au mirin et soya; thon tataki; crevettes coco; côtes levées de porc grillées façon "chinois". Le plaisir porte tous ces noms-là. En général bien assaisonné, chaque mets révèle son caractère propre et ne laisse rien deviner de ce qui va suivre. Rien d’exceptionnel, néanmoins, en ce qui concerne les côtes levées. À ma table, le vin rouge coule à flots (Saint-Jaume 2002). Son bouquet à la fois puissant et délicat parvient jusqu’à mes narines, me tente, m’obsède, mais deux bières m’ont suffi pour la soirée. Nous avons le choix des plats de résistance: filet mignon au stilton (portobellas, tomates pochées à l’huile d’olive, poivrons, pommes de terres crémeuses à l’ail rôti); gigue de cerf poêlée à la mélasse et au bourbon, champignons sauvages et polenta frite; pavé de bar noir du Chili… Je commence par choisir le cerf, des médaillons coiffés de thym et posés sur une tranche de polenta frite elle-même tapissée d’une duxelle de champignons sauvages. Un plat délicieux, auquel je renonce pourtant après la première bouchée, découragé par sa "croûte" de poivre concassé. On me console d’un bar noir, mariné et rôti au miso, nappé d’une sauce suave (vin de prunes et baume mélisse), bokchoi et purée de pommes de terre au wasabi. Et là, je nage en plein velours. Le temps a passé vite. C’est bientôt l’heure du café et de la dernière gourmandise, en l’occurrence un délicieux gâteau marbré au fromage et au chocolat dont votre confesseur lui-même rougirait.
Restaurant Aviatic Club
450, Gare du Palais
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 522-3555
Menu du jour à partir de 11 $
Tables d’hôte à partir de 25 $
Les Artistes de la table
Une école de cuisine d’un tout nouveau genre vient de voir le jour à Québec. Elle s’inspire d’un "concept" qui suscite l’engouement depuis un certain temps aux États-Unis. D’origine québécoise, sa fondatrice, Mme Louise Martineau, a publié plusieurs livres de recettes et travaillé, aux États-Unis, à la mise au point et à la mise en marché de nouveaux produits pour le compte de grandes chaînes alimentaires telles que Campbell. Soucieuse de s’adapter à la clientèle locale, elle n’ouvre que sur rendez-vous et son établissement se veut tour à tour simple lieu de rencontre, atelier de motivation ou "laboratoire" pour le développement de nouveaux produits ou pour la conception de menus particuliers. Elle propose surtout des ateliers de cuisine thématique ou internationale, animés par des professionnels du domaine, dont la durée ne dépasse pas une demi-journée. Fresques naïves et meubles anciens ajoutent au cachet de l’endroit, un bâtiment historique de la rue Saint-Pierre. Pour tout renseignement, on peut communiquer avec Mme Martineau au (418) 694-1056.