Ce n’est pas la saison, je sais. Mais on semble faire fête au homard, ce soir, si j’en juge par cette odeur qui, dès l’entrée, me mène par le bout du nez. Je tente en vain de m’égarer dans l’une ou l’autre des rubriques de la grande carte déployée sur la table exiguë, rien n’y fait. Le mot "homard" semble se superposer à tout ce que je tente de lire dans la rubrique des entrées, dans celle des viandes ou des pastas et, davantage encore, dans celle des poissons et fruits de mer. On nous a reçus avec la gentillesse habituelle de l’endroit pour nous conduire à notre table qui fait face au bar dans la salle à manger "haute". Une profusion de plantes vertes en pots décore le haut des fenêtres; en dessous, des guirlandes de petites ampoules allumées dessinent d’étranges arabesques contre la vitre. Autour de nous, un groupe de six clients et quelques couples: viandes et pastas semblent faire leur bonheur. La guitare sur le cœur, le musicien Gilles Arsenault se promène de table en table, chantant du Desjardins, du Cabrel, du Paul McCartney. Quant à l’autre salle à manger que j’aperçois en contrebas, sur la gauche, elle est pleine à craquer, bondée – et relativement silencieuse, pour une clientèle de touristes… "À quoi penses-tu?" La question me ramène brusquement à la réalité: mon estomac et mes papilles gustatives qui m’accusent de trahison. Je suis prêt à passer commande. Après avoir commandé un quart de litre de vin blanc maison, mon amie récapitule en vitesse la table d’hôte: escalopes de veau parmigiana, tian de saumon fumé et pommes de terre bleues, duo de pâtes maison, filet de veau grillé, tian de homard et pétoncles au safran… Elle fait son choix, s’octroie une bonne rasade de vin; je me rue sur la corbeille de pain qu’on vient d’apporter. À l’arrivée de nos premiers plats, nous permutons nos entrées, comme nous l’avions annoncé au serveur. À moi le carpaccio de bœuf; à elle la crème de céleri, sobrement présentée, mais délicieuse. Dans mon assiette, un peu d’huile frange la grande rosace dessinée par les minces tranches d’une viande qui s’avère saine et d’assez bonne qualité. Au milieu se dresse un petit bosquet de céleri-rave – qui se laisse manger à deux. Au service suivant, nous observons quelques secondes d’immobilité: l’assiette de mon amie les mérite bien. Elle se compose d’un arrangement très harmonieux de bokchoi, de pâtissons nains, d’une moitié de petit poivron rouge et d’un beau filet de saumon tempura, couché sur un lit de riz blanc et de riz sauvage mêlé de petits légumes. Tout en dessous, on arrive au moelleux d’un flan aux carottes. C’est le même mélange de riz qui sépare, dans mon assiette, les deux moitiés du homard thermidor que j’ai choisi (un peu par paresse, il faut l’avouer). "Tu n’aimes pas?" Le riz, non. Pas de saveur. Je n’ai pas, moi, de petite sauce teriyaki qui s’infiltre en douce pour lui relever le moral… je veux dire le goût. Mon amie pouffe: "Tu dis ça comme si c’était ma faute…" Mon homard? Gratiné comme il se doit, assaisonné comme on peut le souhaiter. Mais, thermidor ou pas, on aurait pu me le servir avec les pinces. Cassées, oui, mais présentes. Si, encore, on les avait utilisées dans ce qui m’est servi!… Passons. La moitié de droite, trop desséchée, ne retient pas longtemps mon attention. Dans celle de gauche, les chairs, moelleuses, sont encore imprégnées de sauce; c’est de ce côté-là que je parviens à fourvoyer ma déconvenue. Avec nos cafés s’amène le gâteau à l’érable commandé par ma compagne. On nous l’apporte avec deux fourchettes: une "normale" et une, minuscule, avec l’intention de nous amuser: "Pour le cas où monsieur voudrait y goûter…" C’est plutôt le commentaire que je murmure à ma compagne qui la fait rire aux éclats: "Voici la fourchette qui m’aurait vraiment aidé à terminer mon homard!"
Restaurant Gambrinus
15, rue du Fort
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 692-5144
Menu du jour à partir de 9,50 $
Tables d’hôte: 20,95 à 34,95 $
Souper pour deux (incluant boisson et taxes): 75,74 $
Prix de la gastronomie
La région de la Capitale-Nationale s’est particulièrement distinguée à l’occasion du gala du Mérite national de la restauration et de l’alimentation qui s’est tenu le 18 février à Montréal. C’est ce qu’annonce avec fierté le Conseil de l’agriculture et de l’agroalimentaire pour le développement de la région de Québec (CAADRQ). En effet, le chef Dominique Truchon (Auberge des Peupliers) s’est vu décerner le Prix Renaud-Cyr pour sa contribution remarquable à la culture gastronomique québécoise. Quant au nouveau Prix Aliments du Québec, il a été attribué au chef Frédéric Boulay, du restaurant Le Saint-Amour, dans la catégorie Reconnaissance à la relève gastronomique, et à M. Guy Pelletier (marché Métro GP de Courville) dans la catégorie Marché d’alimentation.