19h, samedi soir. La place est désespérément vide. Ceux que je prends d’abord pour des clients accoudés au bar ne sont en fait que les serveurs et serveuses en attente de quelque visiteur. Pourtant, l’endroit a du charme. Je dirais même beaucoup de charme, avec ses murs sombres sur lesquels se détachent de grands miroirs, son immense bar aux élégantes chaises de bois, ses tables et banquettes haut perchées. Rien de franchement louisianais, d’accord, mais on a mis le paquet. Reste à attirer le client!
Nichés au creux d’une confortable banquette en demi-lune, nous détaillons un menu à tendance clairement marine. Sur 13 entrées, par exemple, seule la bavette noircie vit la tête hors de l’eau. Avis à ceux et celles que les allergies tourmentent; pour notre part, nous attaquerons sans crainte.
En entrée, Patrick y va de croquettes de crabe assez bien faites, au centre moelleux, sautées au beurre pour une enveloppe croustillante, et accompagnées d’une sauce créole agréablement relevée. Sylvie se laisse tenter par des crevettes panées à la noix de coco: trois grosses crevettes à la panure un peu lourde se baignent les pieds dans une moutarde miel et pêche; c’est bon, mais pas très coco… Enfin, je me satisfais d’une assiette de calmars légèrement panés qui font trempette dans une sauce cajun au citron. Ni trop caoutchouteux ni poissonneux, c’est une entrée en matière substantielle et réconfortante.
Suivront, pour lui, une bouillabaisse créole: bouillon goûteux dans lequel nagent crevettes, moules, pétoncles, saumon, pommes de terre et légumes, le tout servi avec des croûtons au chipotle. Il en est bien content. Sylvie, elle, y va d’un thon Ahi grillé qui déçoit. Plutôt cuit à cœur, il n’offre pas la saveur fine de la chair rouge. Un riz safrané tristounet et des légumes sautés complètent une assiette qui promettait plus. Même son de cloche de mon côté où, à ma demande, on a changé des penne Jambalaya en plat traditionnel au riz. L’ensemble n’est pas mauvais, regorgeant de crevettes, petites et grosses, bouts de poulet, moules, tronçons de saucisses et fines lanières de jambon, mais la sauce créole, bien que judicieusement relevée – on en connaît des incendiaires qui anéantissent tout sur leur passage – n’élimine pas le goût vaguement aqueux du riz. Malheureux.
Enfin, nous partagerons convivialement une crème caramel à la saveur franche de café, mais à la texture lourde et collante. Le service, parfois gauche dans sa candeur, mais combien sympathique, nous offrira une petite Sambuca à la flamme bleue qui donne envie de s’incruster dans la banquette, évitant de faire face aux engelures qui veillent.
Avec des entrées oscillants entre 9$ et 13$ et des plats entre 19$ et 32$, un repas pour deux personnes va facilement chercher dans les 65$ avant vin, taxes et pourboire. Pas donné pour un résultat très inégal.
Le French Quarter
80, prom. du Portage, Gatineau (secteur Hull)
Tél. : (819) 777-1125