Parce que certains établissements réduisent souvent la grande bleue à une collection de mets passe-partout sursaturés d’aromates, je me suis exclamé "Encore!" en lisant ce qu’on pourrait considérer comme le slogan de ce nouveau restaurant: "Cuisine méditerranéenne, passages italiens et jazz". Le vrai slogan du Largo, on le retrouve ailleurs: "Bienvenue dans mon rêve!" Lancement oblige, les propriétaires, en veine de confidence, vous présentent en long et en… large le "concept", non sans insister sur la contribution des artistes de Méduse. Hauts plafonds, murs de briques rouges ornés de grands tableaux, boiseries claires, fer forgé, demi-lune de vitrail, mosaïque, sans parler de cette immense banquette rouge qui longe tout un mur et peut accommoder 40 personnes. Il y a de la fébrilité dans l’air. "Elles sont charmantes!" dis-je. "Ils sont charmants", réplique ma compagne. Nous ne regardons pas dans la même direction, mais apprécions l’un et l’autre l’allure, l’enjouement et l’entrain d’un personnel jeune qui se révèle pourtant bien rodé. Dans la partie surélevée de la salle à manger, autour d’un imposant piano noir, le Trio Virginie Hamel célèbre l’événement à sa façon sur des rythmes de jazz et de bossa-nova. À différents moments de la soirée, des bribes de confidences s’ajusteront aux précédentes, recréant comme un puzzle les grands pans de ce rêve qui, pour les plus affamés, prend la forme d’un buffet dressé face au bar. Tartare de bœuf sur croûtons, quiche, crudités, tartare de poisson, caviar d’aubergines et tapenades s’envolent comme par enchantement, copieusement arrosés de vins et de bières. Il suffit d’un petit détour du côté des cuisines pour surprendre le chef et ses adjoints en plein dressage de garnitures – fenouil confit, carottes glacées, tranches de limes confites… Pour appétissantes que soient les odeurs chaudes qui m’environnent là, je ne parviens pas à deviner ce qui constituera l’essentiel du souper. Alors que je rebrousse chemin, on me propose d’admirer le long cellier où s’aligne une variété de vins italiens, espagnols, portugais et quelques "incontournables" français: Sangiovese, Soave Bolla, Laguna de la Nava, Pétale de Rose… Dans la salle à manger se livre une joute amicale de décibels. Et nous voici attablés. Crottin de Chavignol sur croûtons, chicorée et petits lardons composent un prélude dont j’apprécie la délicatesse tout en déplorant ce petit excès d’acidité qui me détourne de la salade elle-même. Au deuxième service, alors que s’épanouit à notre table le bouquet d’un Chianti Rufina (Nipozzano 2000), nous avons droit à un risotto au portobella et pleurotes qui frise la perfection pour ce qui est du liant et de l’assaisonnement. Un peu trop al dente, peut-être? C’est un avis que ne partage pas ma compagne. Nous trouverons sans grand effort un parfait terrain d’entente au service suivant… Avant cela, j’aurai discrètement fait le tour de la carte profuse de tentations: rillettes de lapereau chemisées au parme et délice de poire au vin, "antipasto Largo", gambas à la citronnelle au saisi de pétoncles et rougail, côte de veau sautée aux épices (sauce porto), cuisses de grenouilles dorées, haricots coco au romarin et ail confit, bouillabaisse à la marseillaise, tagliatelle aux épinards et fruits de mer… Pas le temps de saliver à vide, puisque voici notre "terrain d’entente": un filet d’agneau gainé d’une fine croûte à base d’agrumes et accompagné de légumes confits, d’ail confit, d’épinards frits, de délicieux petits lardons, d’olives noires et d’une polenta moelleuse. La sauce, d’un brun pâle, s’avère goûteuse, sans aucun excès. Ceux qui ont abusé du buffet doivent maintenant s’en repentir. C’est mon cas. Mais la bonne humeur règne: on oublie assez vite que l’on n’a plus faim. Les mets eux-mêmes plaident en faveur de la gourmandise, chaque bouchée en appelle une autre et, avec chacune, semble s’essayer à de nouvelles nuances. À d’autres tables, on consomme un plat de poisson au sujet duquel je n’ai pas pris le temps de me renseigner. Le service va bon train. Les fourchettes ne sont pas en reste, mais on les voit bientôt ralentir le mouvement. Avec un café moelleux et bien corsé, on amène à notre table deux chocolats, ponctués d’une touche d’or, de la confiserie Charlemagne: du vrai, du pur, du costaud. Enfin le dessert, en l’occurrence une tarte au citron fort réussie – croûte délicieuse, un peu sablée, garniture onctueuse aromatisée naturellement. Le plus dur reste à faire: se lever de table avec aisance et dérober aux regards cet embonpoint soudain…
Largo Resto-Club
643, rue Saint-Joseph Est
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 529-3111 et 1 888 529-3111
Menu du jour à partir de 11$
Table d’hôte: 35 $