Les liens sont omniprésents entre le chiffre 3 et la table: entrée, plat principal, dessert; fourchette, couteau, cuillère; verre, assiette, serviette; cuisine, service, décor. Et la trilogie a toujours quelque chose de rassurant: hier, "Am, stram, gram" et "Trois jeunes tambours". Demain, "Je t’aime un peu, beaucoup, passionnément". Aujourd’hui, j’ai retenu pour vous le thème "Trois fois rien". On a beau être prêt à casser son cochon pour jouer les mécènes avec un génie, on ne dédaigne pas à l’occasion s’accorder un petit répit et encourager la créativité à petit budget.
Trois adresses donc, nord, centre et sud, où, pour une dizaine de dollars à peine, non seulement vous mangerez fort bien mais pourrez passer de très agréables moments. Le nord d’abord, avant de le perdre: Soupe Soup. Installée dans son joli petit établissement de la rue Duluth, Caroline Dumas préparait des soupes, des sandwichs et des desserts qui ravissaient les clients. Un matin de janvier, quelques habitués la voyant pleurer à chaudes larmes la crurent victime des blues hivernaux et tentèrent de la consoler en lui disant combien ses soupes étaient bonnes, amusantes, pleines de réconfort. Ils lui soulignèrent combien tout le monde appréciait qu’en été elle en offre quatre ou cinq variétés glacées, si rafraîchissantes – menthe, concombre ou autre gaspacho – et qu’en hiver, elle les serve brûlantes, parfumées et exotiques. D’autres la complimentèrent sur l’originalité de ses sandwichs, sur la fraîcheur, le moelleux et la variété de ses pains. D’autres enfin lui affirmèrent que leur vie ne serait pas aussi belle sans sa croustade aux pommes, canneberges et Dieu sait quoi encore, mais quel bonheur! Un voisin, attiré dans le petit restaurant par tout ce brouhaha, suggéra qu’on pourrait s’occuper plus intelligemment en ouvrant un autre Soupe Soup. On trouva l’idée bonne. En partant faire un petit roupillon, il fit remarquer que le gros tas de pelures d’oignons aux pieds de la patronne avait peut-être à voir avec son insondable chagrin.
La patronne en question était déjà affairée à préparer le Soupe Soup II. On peut donc aujourd’hui savourer à cette deuxième adresse le même bonheur qu’à la première. On y déguste des choses aussi ravissantes que cette soupe de carottes malaisienne, enturbannée de gingembre, de citronnelle et relevée de piments, ou ces sandwichs aux rillettes de canard, pomme Royal Gala caramélisée et épinards à la vapeur. Côté décor, même plaisir également: une vingtaine de places, quelques tabourets au comptoir, un grand mur de briques et de la musique juste comme il faut pour réchauffer l’endroit. Le service est aussi d’une grande gentillesse. Un petit biscuit au gingembre, un espresso bien moussu et on repart réconcilié avec l’extérieur puisque la paix intérieure règne.
Soupe Soup
174, rue Saint-Viateur Ouest
271-2004
Ouvert du lundi au vendredi de 10 h 30 à 21 h et les samedi et dimanche de 10 h 30 à 21 h.
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Au centre maintenant: Cobalt. Avec l’arrivée dans le quartier des nouvelles technologies de l’information et des communications, on a assisté au cours des quatre ou cinq dernières années à l’éclosion d’une nuée de sandwicheries, boulangeries, restaurants et autres points de ravitaillement. On y trouve des gens qui travaillent très bien et d’autres qui surfent beaucoup sur la vague multimédia. Celle-ci déferle moins qu’elle l’a déjà fait mais clapote encore. Sans doute parce qu’ils n’aiment pas ce clapotis, beaucoup de jeunes gens surfant en restauration affichent un air de bœuf impressionnant et semblent considérer que le client devrait se sentir suffisamment honoré d’être là sans en plus demander quoi que ce soit. Je vous ferai un jour un "Spécial air de bœuf" pour vous éviter les mauvaises surprises. Cobalt est aux antipodes de cette tendance. Dans ce sympathique petit café, on sourit, on chantonne, on prépare une version agréable de la cuisine italienne sur le pouce. Petits plats sympathiques, amusantes omelettes et sandwichs servis dans des pains ciabatta, salades-repas dynamiques, plats du jour généreux et revigorants. Le lieu est un peu sombre et anodin, mais une fois entré, on est éclairé, autant par la qualité de la cuisine toute simple que par le sens de l’à-propos des cuisiniers. La fin de semaine, pour le brunch, on fait venir quelques amis musiciens et on délire tranquillement. Le service est bon enfant et on propose un choix de vins et de bières qui, sans soulever les foules, semble combler les clients.
Cobalt
312, rue Saint-Paul Ouest
842-2960
Ouvert midi et soir, tous les jours sauf le mardi.
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Dernier côté du triangle: Histoire de pâtes. Quand on a un budget modeste, le sud commence à Saint-Lambert. Juste de l’autre côté du pont Victoria, deux amoureux des pâtes, frère et sœur, ont établi leurs quartiers. Les gnomes en devanture suscitent un sourire et déclenchent la bonne humeur qui sera avec vous toute la durée de votre séjour dans ces murs. Avec un nom comme ça, on sait à quoi s’attendre en termes de cuisine. Des pâtes, des pâtes et encore des pâtes. De toutes les formes et de toutes les couleurs; fraîches, faites de semoule de blé dur et d’œufs, comme ça se faisait autrefois. Ça se fait encore aujourd’hui, mais c’est "packagé" pour les bobos, vendu chez des émules de Dean & Deluca et ça coûte le prix d’un voyage en Italie. Ici, ce n’est pas le cas, on ressort de cette petite maison le sourire aux lèvres et le porte-monnaie quasi intact. Il règne un tel calme et une telle sérénité que l’on se demande comment ces deux ou trois tables peuvent irradier autant de bien-être. Les pâtes encore, bien sûr, mais aussi tout le reste: sauces, farces et autres accompagnements, tous d’une fraîcheur remarquable. Tout est préparé avec application, présenté avec soin et servi avec élégance. La qualité de cœur des propriétaires se retrouve, comme c’est souvent le cas, dans l’assiette, belle et généreuse. C’est tellement bon et si peu cher qu’on se demande bien pourquoi on prend la peine de cuisiner soi-même quand Histoire de pâtes est là.
Histoire de pâtes
458, rue Victoria, Saint-Lambert
(450) 671-5200
Ouvert dès 10 h du lundi au samedi et à midi le dimanche. Fermeture à 18 h du lundi au mercredi, à 20 h le jeudi et à 17 h les samedi et dimanche.