On n’associe généralement pas la cuisine française aux cuisines dites "ethniques". Pourquoi, au fond? Ne diffère-t-elle pas de notre ordinaire tout autant que la cuisine vietnamienne ou même, pendant qu’on y est, la cuisine italienne? Nostalgie des origines? Aurions-nous, sans le savoir, de la demi-glace dans les veines? Faudrait-il plutôt chercher l’explication du côté du prix? Car manger français, c’est habituellement payer cher, sauf dans les bistros, et encore… Et quand, par esprit de contradiction, par curiosité ou pour le plaisir, on va manger français à Westmount, par exemple? De quoi avoir mal au crâne avant la première gorgée de pinard.
Abordons donc Le Convivial (nom un peu plat, mais le mot s’entend au sens d’Escoffier, pas de Bill Gates) comme un resto ethnique, en plus chic et en plus cher.
La maison a beau être toute jeune, ça ne se sent pas. On a, au contraire, une impression de calme et de maturité, qui s’explique peut-être tout simplement par le savoir-recevoir. Pourtant, le défi était de taille: naître sur les cendres encore chaudes de La Transition, resto italien qui a tiré sa révérence après des années de loyaux services. (Au moment de la réservation, on a le bon goût de vous prévenir du changement.)
Les proprios ont peu retouché l’intérieur, jugeant qu’il valait mieux, au départ, mettre le paquet sur le contenu plutôt que sur le contenant. Sage décision. L’établissement, dans les tons de vert, est cosy. À l’entrée, on se paie même le luxe de perdre de la place!
Du vestiaire au règlement de la douloureuse, on vous traite aux petits oignons, avec empressement mais sans ostentation. Seule ombre au tableau: les entrées mettent un certain temps à arriver. On se prend à regretter que la maison n’offre pas d’amuse-bouche, comme certaines de ses concurrentes en ont pris la charmante habitude.
À midi, deux formules: plat et entrée ou dessert à 18 $, ou plat, entrée et dessert à 23 $. Évidemment, ce n’est pas donné, mais la maison tient ses promesses. Qu’on en juge: délicieuse salade tiède de hareng et pomme de terre, classique fort bien exécuté; terrine de gibier (chevreuil) à la gelée de fruits au porto et aux blinis au caviar d’aubergine, le tout joliment présenté; poêlée de pétoncles au Noilly Prat, rapini et bette à carde à la crème, où on détecte, bien nette, la saveur de champignons; saumon rôti sur la peau (suivant la cuisson désirée), accompagné de légumes au bouillon de noix de coco et citron vert. Côté desserts, un croustillant aux canneberges peu sucré, servi brûlant, ou encore un parfait glacé au citron, frais comme tout. Pas de raccourci. En cuisine, on s’est donné du mal pour nous faire du bien.
En soirée, même souci du travail bien fait. Tant la tarte fine de calmar aux (discrètes) senteurs de Provence que le râble de lapin farci, servi avec des légumes relevés au vinaigre balsamique, faisaient plaisir à voir. En plat, un beau pavé de thon grillé, mousseux d’avocat au piment d’Espelette, harmonieux, succulent, et un jarret de cerf de Boileau au cabernet, belle pièce braisée accompagnée de quelques légumes et d’une sauce savoureuse. Des descriptions précises, des présentations soignées, sans recherche excessive.
La maison propose par ailleurs une carte des vins relativement courte, qui débute à 28 $, ce qui, au vu de ce qui se fait ailleurs, semble hélas raisonnable (verres de 6 $ à 10 $). Surtout, on saura vous conseiller avec discernement, sans vous jeter de la poudre aux yeux.
Autre sujet de satisfaction, les desserts sont faits sur place. Difficile de rester de bois face au gâteau tiède au chocolat à l’huile d’olive, émulsion de lait, pignons caramélisés et sirop de basilic, ou encore devant la Tatin à l’ananas, glace à la noix de coco et caramel à la fleur de sel. Portions raisonnables, tarifées de même (6 $), qui ont pour fonction de combler le convive et non de l’achever.
Même souci du détail au moment du thé et du café: express bien chaud et thé d’exception, servi selon les règles de l’art.
Dièse: en salle, un service impeccable; en cuisine, des plats sans fausse note.
Bémol: pour le moment, la maison manque un peu d’ambiance, mais c’est peut-être la clientèle qui le veut.
Pour deux: à midi, une cinquantaine de dollars, taxes et pourboire compris, mais avant les boissons; en soirée, le double, voire un peu plus.
Le Convivial
4785, rue Sherbrooke Ouest
(514) 933-1000