Certains vous vanteront ses frites, d’autres sa salade méditerranéenne, d’autres encore ses grillades. Ce dernier argument m’a décidé. Évidemment, "cuisine santé" ne fait pas allusion ici aux régimes conçus pour ceux qui veulent se punir. Il s’agit plutôt de mets simples – servis dans un décor tout aussi simple: poteries et théières alignées sur deux étagères et, la musique aidant, deux ou trois tableaux évoquant le Maghreb. L’endroit est minuscule; on y apporte son vin et l’on y prend son temps. À notre arrivée, trois clients bavardent à une table près de l’entrée; au fond, un couple qui mange en se regardant dans les yeux. Nous prenons place non loin d’une cliente qui attaque en souriant une imposante assiette de panini au saumon fumé, frites et salade. À côté, un tableau noir monté sur trépied annonce les spéciaux du soir: pita au roast-beef, kefta pita, etc., tandis que les deux cartes posées devant nous proposent une gamme de victuailles telles que couscous royal, assiette de grillades, brochette mixte (bœuf et poulet), assiette de shish-taouk (poulet) ou de chawarma (bœuf mariné), assiette libanaise, sous-marins, falafel… De tout, pour tous – y compris ceux qui viennent chercher au comptoir le souper qu’ils iront consommer chez eux. Une bouteille de vin rouge (DeNoiret) attrapée au dépanneur du coin nous tient compagnie. Nous avons déjà passé notre commande et il fait bon savoir que le chef se démène maintenant pour nous, comme en font foi les petits chuintements de friture et les tintements de casseroles et d’ustensiles. J’ai presque complètement razzié la corbeille de pain quand arrivent nos assiettes, pareillement colorées d’une salade de concombres, laitue, tomates, dés de pommes et d’une portion de carottes assaisonnées et modérément cuites. Dans celle de mon invitée luisent deux longues merguez flanquées d’une poitrine de poulet et de deux keftas avec, en complément, du riz. Nous commençons par elle, les fourchettes en bataille. "J’ai l’appétit chauffé à blanc… de poulet": humour facile, j’en conviens, mais je suis d’esprit fantasque quand j’ai de bonnes odeurs dans le nez et que cela augure bien. Pas mal du tout les keftas, mais je leur préfère les merguez; pas mal non plus, le poulet, mais je lui préfère encore les merguez. Mais oui, c’est une obsession. Elles sont juteuses, bien assaisonnées, sans ces petits morceaux de viande traumatisée qui jouent à l’élastique sous la dent. J’y serais encore si mon invitée ne m’avait pas rappelé à l’ordre: "Ton assiette refroidit!" Et elle se sert généreusement au pot de harissa. Je m’intéresse donc à mon shish-taouk – multiples et fines tranches de poulet discrètement mêlées de tomates et d’oignons rouges frits. Bon. On en mangerait! C’est justement ce que je fais, indifférent au va-et-vient des clients qui arrivent ou qui partent. Une petite méprise, toutefois: j’avais demandé des frites, mais on m’a servi du riz. On me les apporte donc, les longues frites dorées, ainsi qu’un petit pot de mayonnaise aux herbes, et je laisse mon appétit se refaire une beauté. "J’avais tellement faim…" murmure mon invitée, comme pour excuser sa vitesse de croisière. Deux bouchées plus tard, son assiette pourrait jurer qu’elle n’a jamais servi. J’en suis maintenant à la salade, fraîche, désaltérante, modérément assaisonnée. J’aurais dû m’y intéresser plus tôt… Ce sera pour la prochaine fois. Un dessert? "Ai-je l’air de pouvoir encore manger quoi que ce soit?" demande mon invitée avec tout de même du regret dans la voix. Un café me suffit. Elle demande un thé à la menthe, se réjouissant par avance du petit rituel dont elle ne se lasse pas. Eh bien, non: pas de théière qui s’élève tandis que le liquide gargouille et mousse dans le verre. Il s’agit d’un détail, certes. Ce qui ne m’empêche pas de dire: dommage! Et de répéter que ce sera pour la prochaine fois.
Aux 2 Violons
122, rue Crémazie Ouest,
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 523-1111
Spéciaux: 6,95 à 7,30 $
Table d’hôte: 15,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et service): 30,37 $
Taverne urbaine!
Qu’on se passe le mot: elle s’appelle MO, cette "taverne urbaine" qui vient de voir le jour à Québec. Elle a été inaugurée le 4 mai lors d’un dîner chapeauté, un peu plus tard, par un 5 à 7. Tout y est: une soixantaine de cocktails, plus ceux qu’on vous prépare à la demande s’ils ne figurent pas sur la carte; et des bières, bien sûr, locales ou importées, en bouteilles ou en fût. On peut d’ailleurs se servir soi-même aux pompes installées sur plusieurs tables. Grande salle à manger, bar bien approvisionné, terrasse planchéiée, soirées thématiques, DJ invités… Bref, de quoi créer l’ambiance permettant de définir cette notion de "taverne urbaine".