Vous aimez ça vous, les petits restos de quartier, pas prétentieux, bons, accueillants, pas chers, plutôt jolis? Je m’en doutais. Imaginez mon propre bonheur quand je tombe sur un comme ça, entre deux bouis-bouis un peu déglingués ou deux grandes tables qui saignent mon budget. Celui de cette semaine, mes amis, quel bonbon!
Deux petits jeunes travaillaient dans un excellent restaurant, l’un en cuisine, l’autre en salle. Quand je dis un très bon restaurant, ça veut dire un très bon chef, rigoureux, inventif; un peu Belge aussi, mais ça aurait pu être pire il aurait pu être Français et se prendre pour Brillat-Savarin et nous pour une bande de demeurés.
Les deux petits jeunes trouvent un local un peu délabré, coin de Liège et Saint-Dominique. Ils rénovent, aménagent, décorent, montent une carte et une carte des vins, perdent dix livres chacun et, finalement, ouvrent. C’était fin avril; je laisse souvent quelques semaines de répit avant d’aller visiter, le temps que les choses s’ajustent. Deux mois plus tard, je peux vous assurer que tout ce qui devait être ajusté l’a été. Et réglé à la perfection.
Côté porte-monnaie par exemple: 14 $ à midi, 28 $ en soirée. Avouez que vous l’aimez déjà.
Côté assiettes, un pur délice: En table d’hôte du midi, j’adore ces trucs appelés "Quelques feuilles et notre vinaigrette". Pour moi, c’est le plus sûr moyen de savoir si un chef aime ses clients ou se paie votre tête. Ici, juste après cette assiette, je pouvais vous dire que la maison était sérieuse. Quelques feuilles, d’accord, mais ces feuilles-ci vous coûteraient ailleurs le prix du repas ici. Belles feuilles de roquette, mini chou mauve et mini chou blanc, bette à cardes et blette, quelques tomates de vigne, une ou deux tranchettes de concombre. Une vinaigrette discrète comme elles devraient toujours l’être pour alléger au lieu de noyer. Simple. Donc très difficile à faire.
Pêche du jour, en l’occurrence du thon, grillée, lit de fenouil confit, petite touche de salsa de maïs. La touche de vinaigrette crémeuse au wasabi dynamisait le tout avec bonheur. Sans faute. Grillade de blanc de volaille de grain, juteuse, grillée avec discernement (!), en heureuse union libre avec un caviar d’aubergines et quelques bouchées de poivrons rouges.
Pour trois petits dollars de plus, vous pouvez vous laisser aller et connaître de grands moments auprès de la tarte au citron meringuée ou de la crème brûlée au chocolat, dignes des grandes pâtisseries.
Le soir, égal bonheur. Le tartare de saumon était délicatement nappé de crème fouettée et partageait une fort belle assiette avec une petite relish au maïs maison sur laquelle flottaient quelques souvenirs de truffe.
Un brin de provocation dans l’intitulé de la viande: "Steak de vieille vache à lait…" Il faut vouloir. Vous devriez vraiment, car il s’agit en l’occurrence d’un beau faux-filet accompagné de grosses frites Yukon Gold. Le tout est généreusement assaisonné de fleur de sel de Guérande et d’épices maison.
Et, côté détails, la réussite est aussi réjouissante. Un décor à la Viau quand il est chaleureux, une corbeille de pains astucieuse dans son contenu et intrigante dans son contenant, une carte des vins bien conçue, de belles tables nappées, des verres respectueux des vins qui y sont servis. Aux clients amateurs de bons vins qui ne tiennent pas nécessairement à vider une bouteille au complet ou à pulvériser en un repas leur budget mensuel de sorties, le bouchon de Liège propose au verre tous les crus de sa carte des vins.
Le service est assuré en douceur et avec efficacité par des gens soucieux du bien-être de leurs clients et fiers de leur travail. Un charme.
Cet hiver, au moment de l’échographie, cet enfant-là me semblait bien parti. Deux mois après sa naissance, il gazouille tel un bambin plein de vie. On remercie les parents. Ils s’appellent Sylvain (en salle) et Steve (en cuisine). Ainsi que leurs conjointes de leur avoir permis de suer sang et eau dans les rénovations afin nous offrir ce splendide rejeton.
Le bouchon de Liège
8497, rue Saint-Dominique
(514) 807-0033
Ouvert du lundi au vendredi de 11 h à 14 h et du mardi au samedi de 18 h à 22 h. Côté escarcelle: une aubaine; côté table et jus de raisin fermenté: un délice.
Note aux lecteurs: Je vous quitte pour un mois. Je vais en Gaule, à Labastide-Murat et à Collioure, me ressourcer. J’irai aux cèpes, trairai les vaches, garderai les brebis en lisant à l’ombre d’un chêne. Je mangerai du civet de sanglier, des omelettes aux truffes et du foie gras des canards de mon ami Michel Marlas, éleveur à Terre-Rouge. Je penserai à vous seulement quand ce sera très bon. Je penserai à vous souvent. Bon mois de juillet.