Restos / Bars

Le Soleil de Marrakech : La danse du ventre n'aura pas lieu

"La danseuse entre en action à neuf heures", apprîmes-nous en nous assoyant confortablement sur la banquette. Tant mieux. Avec un peu de chance, nous aurons la bonne fortune, une fois sustentés, de nous initier à l’art ancien du baladi.

Il faut dire que la salle du Soleil de Marrakech, avec ses tapisseries rouge vin et ses cuivres, invite à la détente. Sans trop forcer la note, on a su recréer l’atmosphère d’un salon marocain ou celle d’une tente: à vous de choisir. La maison a récemment changé de mains, et les nouveaux patrons, s’ils ont renouvelé la quasi-totalité de la brigade, ont eu la bonne idée de garder la même équipe en cuisine. Peut-être voudront-ils retoucher l’habillage: le carreau déchaussé du vestibule n’a rien d’invitant, pas plus que les brûlures de cigarette sur la nappe.

L’accueil, tant au téléphone qu’à l’arrivée, laisse aussi un peu à désirer, surtout au vu des effusions auxquelles ont droit les habitués. Heureusement, l’atmosphère se réchauffe rapidement, et la sympathique serveuse a l’art de vous faire sentir comme chez vous. Les soirs de week-end, les membres de la communauté marocaine viennent en groupe – comme en témoignent les longues tables dressées pour dix, douze convives – manger, se retremper dans une ambiance familière et profiter du spectacle. À des heures, disons… méditerranéennes. Nombreux, en effet, sont ceux qui s’attablaient au moment où nous levions l’ancre, gardienne oblige… Et, paraît-il, ça ne faisait que commencer.

Ainsi, un peu avant neuf heures, la jolie danseuse est-elle sortie annoncer à des connaissances qu’elle attendrait qu’il y ait plus de monde pour s’exécuter, ce qui, suppose-t-on, retarderait d’autant l’entrée en scène de l’orchestre.

Et les propos culinaires? Se feront-ils attendre, eux aussi?

D’abord, causons formule. La maison n’offre que des tables d’hôte ou, si on préfère, des repas à prix fixe. La formule, on le verra, est complète, honnêtement tarifée et alléchante.

En entrée, difficile de passer à côté de la pastilla au poulet et aux amandes, présentée en portion individuelle: pâte bien craquante recouverte d’une généreuse couche de sucre glace décoré d’un X à la poudre de cannelle, hachis moelleux et savoureux parsemé de morceaux d’amandes. Le mélange du sucré et du salé est proprement envoûtant. Les crevettes pile-pile ont, pour reprendre le mot de ma compagne, disparu dare-dare: des crevettes de Matane (à la marocaine, belle leçon d’œcuménisme culinaire!) dans une sauce à la tomate parfumée à la coriandre fraîche, toute en douceur. La parenté avec la sauce pili-pili ne serait-elle que phonétique? Quoi qu’il en soit, on a affaire à une petite entrée très sympathique.

Si vous avez su résister aux séductions des soupes chorba et harira, les salades, toujours succulentes ici, auront vite fait de vous consoler. Retenons surtout la salade taktouka, mélange de poivrons rôtis et de tomates, et la salade de carottes, savamment parfumée au cumin.

La maison se spécialise dans les tajines à l’agneau ou au poulet, dont on vous propose pas moins de neuf versions: olives et citron confit, fonds d’artichaut et fèves, etc. Servi dans une simple assiette en terre cuite, le tajine d’agneau aux pruneaux et aux oignons – viande et fruits fondants, mariage à nouveau réussi du sucré et du salé – était parfait.

Égal plaisir du côté du couscous royal, autre spécialité maison: semoule aérienne au possible, poulet et agneau moelleux, merguez bien relevée. Ici, pas de déconstruction savante: on apporte tout dans la même assiette. La harissa si chère aux Tunisiens, vous devez la demander, si vous y tenez vraiment. Mais vous pouvez faire sans, eu égard surtout au rouge du Maroc dont vous souhaiterez probablement arroser votre festin. Un robuste Guerrouane, Domaine de Sahari, issu de l’Atlas, s’est montré fort bon compagnon. Ce petit vin tout-aller, on vous le détaille tout de même à 29,95 $…

Pour conclure, de fort bonnes gâteries marocaines, bien sucrées, et des tranches d’orange recouvertes de sucre glace et de cannelle, le tout accompagné de l’incontournable et délicieux thé à la menthe.

"La danseuse arrive tout de suite", nous dit-on peu avant dix heures. Vingt minutes plus tard, vaincus, nous avons réglé l’addition. Le baladi, ce sera pour un autre tantôt.

Bémol: Accueil un peu sec, décor défraîchi.

Dièse: Ambiance sympathique, formule repas très complète, cuisine savoureuse. Adresse précieuse pour les couche-tard à la recherche d’endroits où finir la soirée.

Calculez environ soixante dollars pour deux avec les taxes et le pourboire, mais avant le rouge marocain.

Le Soleil de Marrakech
5131, boulevard Décarie
485-5238