Un repas au restaurant, c’est un voyage. On pousse la porte et l’on est déjà ailleurs. Il y a de petites excursions et des expéditions; selon le talent en cuisine et la générosité des propriétaires et du personnel. Le Ristorante Lucca offre une escapade en terre toscane, à l’écart des flots de touristes et des clichés habituels servis en Italie.
Au cœur de notre Petite Italie, de part et d’autre de l’incontournable Quincaillerie Dante où vit madame Elena Maita, reine italo-canadienne des crèmes glacées, sorbets et autres sauces tomates, la rue Dante compte quelques bonnes tables. Lucca en est une très bonne. La maison est petite, assez discrète. L’été, on ouvre en grand les portes-fenêtres et les passants sentent le bonheur des clients à table. La salle est meublée avec ce bon goût qui fait la gloire des décorateurs italiens. Sobriété et confort. Un petit comptoir et une ouverture sur la cuisine où l’on s’affaire à préparer votre voyage. Belles tables nappées de blanc, grands verres à vin; au mur, un tableau noir où sont écrites à la craie les étapes de la ballade lucquoise. En italien, e vero. Le personnel de salle se fait un plaisir de vous expliquer les différentes étapes du voyage de ce jour dans la langue officielle de votre choix. Divertissant.
Le menu est court, sept ou huit entrées (primi), sept ou huit plats principaux (secondi). La carte des vins, plus longue, offre de quoi voyager en classe supérieure. Le choix de vins au verre est un peu limité, comme c’est encore trop souvent le cas dans les bons restaurants de chez nous. Un jour sans doute, les restaurateurs feront mieux leurs calculs et s’apercevront que lorsque leur carte des vins n’a pas la taille d’une encyclopédie, non seulement ils ne perdent rien à proposer cette option pour la plupart de leurs crus, mais qu’ils y gagnent quelques clients revenant charmés par cette délicate attention. Petite attention, tout comme pour cette ravissante bruschetta servie ici en amuse-bouche et qui met en appétit par son dynamisme. Et mille autres détails dans cette maison.
En entrées, les calmars frits sont servis en petites rondelles croustillantes et parfumées. Une bolinette de sauce tomate relevée et, pour les plus curieux, caché sous les calmars, un aïoli maison très pertinent. Dans l’assiette de Prosciutto et fighi, quelques belles tranches de jambon de Parme, souple, parfumé, deux ou trois grosses figues gorgées de soleil et quelques branches de cresson arrosées de citron qui apportent une dimension intéressante au plat. En saison, l’assiette de roquette décorée de grosses tranches de parmesan rappelle combien ce plat si simple peut être réconfortant lorsqu’il est, comme ici, servi avec générosité.
Les plats principaux confirment la belle humeur ressentie en savourant les entrées. Ce Linguine crostace picante est un voyage à bord d’une belle barque de pêcheur sur la mer si proche de Lucca; superbes crevettes, moules, palourdes et pétoncles dans une sauce tomatée légèrement relevée; à l’occasion, le chef prépare une version vin blanc et ail. Quelle que soit la version retenue, les pâtes sont al dente, comme il se doit.
Tant qu’à être sur les flots bleus, on peut lancer ses filets sur le Mosaico di pesce moliverde. Sur quelques légumes passés à la poêle et soulignés d’une splendide huile d’olive, deux gros morceaux de poissons, saumon et, ce soir-là, bar impeccablement grillés. Tout comme dans l’autre plat, l’excursion en mer se passe sous le soleil, petite brise rafraîchissante et amusantes vaguelettes.
Le seul reproche que l’on puisse adresser à la maison est de considérer que le gavage du client est incontournable. Les portions sont en effet d’une telle générosité que cet excès d’enthousiasme nuit plus souvent à la visite ici. On est d’autant plus surpris, après avoir été charmés par la délicatesse du décor et sa grande sobriété, de voir défiler des plats pantagruéliques qui, comme ce fut le cas le soir de cette visite, repartent inachevés en cuisine, au grand regret apparent des clients.
Aussi bon soit-il, le dessert devient alors une épreuve, à plus forte raison quand le tiramisu, la crème brûlée ou le soufflé au chocolat sont aussi irrésistibles.
L’extrême amabilité et le grand soin accordés à toutes les tables par le personnel contribuent eux aussi à rendre si agréable ce voyage. On quitte Lucca un peu étourdis, comme au sortir d’une longue promenade dans la campagne toscane ou d’une visite à La Galleria degli Uffizi où l’on s’est imprégnés de beauté. De plus, chez Lucca, toutes ces belles choses sont délicieuses. Comment dit-on déjà en italien "un très bon restaurant"?
Ristorante Lucca
12, rue Dante
Montréal
(514) 278-6502
Ouvert du lundi au vendredi de midi à 15 h et du mardi au samedi de 18 h à 22 h 30. Une cinquantaine de dollars par personne, avant boissons, taxes et service.