Restos / Bars

Dîners légers : Trois petits cochons économes

Il était une fois trois petits cochons très gourmands qui ne cessaient de se vautrer dans le foie gras, les rillettes et les ris de veau poêlés. Dans leur bonne ville de Montréal, ils se livraient à des libations sans fin, débouchant à n’en plus finir Romanées, Pétrus et autres remontants de luxe. Ils parlaient de cuisine du matin au soir, et mangeaient du soir au matin. Dans leurs jolis restaurants aux menus aguichants, ils recevaient les clients à bras ouverts, la mine réjouie et le sourire aux lèvres. Pour les satisfaire, chacun d’eux inventait des pirouettes plus savantes les unes que les autres; le premier inventait des appellations des plus poétiques pour ses plats allumés et servait le tout sur du lounge hypnotique ; le second faisait préparer des confitures de pétales de roses pour dynamiser ses desserts ; le troisième enfin avait déménagé dans un vaste et confortable enclos, appelé "Lacaisse".

Jaloux de leurs succès, leur ennemi de toujours, Monsieur Leloup (pas Jean, l’autre, le grand méchant) passait son temps à répandre des rumeurs et criait sur tous les toits – lui, l’égorgeur en chef – que les petits cochons saignaient leurs clients avec des prix de fous. C’est vrai que, en soirée, pour peu que l’on se laisse emporter par son élan et que l’on tombe dans les excès proposés par leurs cartes hallucinantes, c’est un peu au-dessus de la moyenne des Nickels, Burger King ou "bineries" du coin, mais la rabiole bio n’a pas de prix et la chair est faible. Ils décidèrent donc de contre-attaquer avec des midis pas chers, une sorte d’"Opération Goret Duction". Voici les prix accordés, selon le résultat de leurs efforts.

Queue en tire-bouchon d’or : Cube pour 23 $

Le petit cochon en chef local s’appelle Éric Gonzalez. Il sert des choses éblouissantes, réussit de main de maître des mariages improbables, ose des mélanges hallucinogènes. À midi, pour 23 dollars, le client avisé peut connaître des extases hors du commun. Une entrée, un plat principal et un petit dessert. Le tout est ravissant, nourrissant et réconcilie les petits budgets avec cette luxueuse maison. Des choses aussi enlevées que cette Tomate farcie de brandade de morue fumée, thym, cébette, crostini à la fleur d’ail en entrée ou cet arrivage marin (bar rayé, le jour de notre visite), Chaudrée de topinambour, yukon gold, oignons aigres-doux frits au gingembre peuvent difficilement laisser froid quiconque aime la cuisine. Comme c’est toujours le cas à la table de monsieur Gonzalez, tout est soigné, d’une jouissive esthétique et d’un goût hors du commun. Comme l’achalandage est un peu moins soutenu qu’en soirée, le service est aussi nettement moins chaotique et l’on peut facilement dîner en une petite heure. Une carte des desserts complète le tout; afin de demeurer éveillés, nous avions pris la Pomme cuite "comme une tatin", granité au romarin. Un pur bonheur, la portion a beau être menue, l’intensité est telle que l’on est comblé. Une douceur subtile qui permet de quitter la table de bonne humeur et de sautiller allègrement vers le bureau afin de partager son bonheur avec autrui, ce qui pour un petit cochon est toujours bienvenu.

Queue en tire-bouchon d’argent : Milos pour 20,04 $

"Milos est hors de prix" C’est une sorte de leitmotiv, même chez ceux qui n’y ont jamais mis les pieds. Les quelques fois où j’y suis allé, je n’ai jamais été choqué par les prix. Il faut dire que je surveille de très près la colonne de droite sur les menus et que je résiste plutôt bien aux suggestions du personnel voulant me faire prendre tel ou tel extra qui doublera ou triplera mon addition. Quoi qu’il en soit, Costas Spiliadis, le petit cochon grec, chic propriétaire de l’endroit, a décidé d’appliquer ici une formule développée dans son restaurant de New York : le déjeuner à 20,04 $ (l’an prochain, on passe à 20,05 $). Les portions sont plus courtes mais amplement suffisantes, et la qualité est la même, très au-dessus de la moyenne. Service impeccable, décor hellénique, plaisir garanti.

Calmar grillé farci aux trois fromages, Loup de mer grillé servi avec légumes à la vapeur, Fruits de saison et café. Le tout pour 20,04 $. Cher, disiez-vous ? On ne parle pas de la même chose de toute évidence. De plus, une petite note sur le menu dit : "Avec votre collaboration, on vous garantit un repas d’une heure, sinon l’addition sera gratuite." On leur pardonnerait presque les jeux olympiques et la coupe de l’UEFA.

Queue en tire-bouchon de bronze : Toqué! pour 38 $

Le restaurant Toqué! a de nombreuses réputations, toutes excellentes. Celle de "table hors de prix" revient souvent. Personnellement, lorsque je considère les produits utilisés chez Toqué! et le travail accompli par tous ces braves gens en cuisine, je trouve le tout plutôt raisonnable. La cuisine de Normand Laprise relève du travail d’orfèvre et les résultats brillent toujours de mille éclats. Un diamant n’a pas besoin d’être gros pour être beau et procurer des frissons. Notre porcelet québécois préféré propose des midis plus retenus au niveau de la tire-lire. Ce flanc de porcelet braisé, accompagné de purée de pomme Cortland, salade chou de Savoie et échalote frite, huile d’estragon amorçait très bien un repas pris en 55 minutes exactement, à notre demande. Suivit un poulet biologique rôti, écrasé de topinambour (celui-là, ça fait deux fois que je me le farcis en une semaine et dans deux restos différents. "Écrasé"; ils peuvent pas appeler ça simplement une purée de topinambour, il me semble que tout le monde connaît ça, une purée), échalote griselle confite, tombée d’épinards armillaires de miel, jus de volaille au beurre noisette. Irréprochable. Tout est là, subtilité, délicatesse, puissance et amplitude. Du grand art.

On sort de table toujours un peu plus humble, ayant chaque fois découvert de nouvelles façons d’approcher des plats connus et cent fois ressassés ailleurs. Le bronze seulement revient à la table du midi de Toqué!, car ici, pour 38 $ tout de même, pas de dessert, même symbolique. Les tisanes de Sandrine Guérin, fée herboriste d’Eastman qui approvisionne la maison, ont beau être merveilleuses et l’espresso irréprochable, le client apprécierait une mini gâterie avant de quitter les lieux. À suivre.

Un dernier conseil : tous ces prix sont pour une personne, avant taxes et services. Si vous voulez qu’ils restent avantageux, ne prenez rien d’autre que ce qui est au menu. Ces petits cochons sont généreux et tout aussi astucieux. Sans vigilance de votre part, l’addition peut doubler ou tripler, le temps de dire Oink!

Cube, 355, rue McGill; (514) 876-2823

Milos, 5357, avenue du Parc; (514) 272-3522

Toqué!, 900, place Jean-Paul-Riopelle; (514) 499-2084

ooo

SONDAGE: QUE PENSEZ-VOUS DU GUIDE RESTOS VOIR?

Reconnu partout au Québec comme LA référence critique sur les restaurants du Québec, le Guide Restos Voir en est à sa neuvième édition. En préparation de son 10e anniversaire, nous invitons les lecteurs du guide imprimé et les utilisateurs du guide Internet à nous faire part de leurs impressions et de leurs suggestions, afin que l’édition 2006 soit encore meilleure que le cru 2005 !
Écrivez votre commentaire sur le Guide Restos Voir

GUIDE RESTOS VOIR 2005

Le Guide Restos Voir, édition 2005 est arrivé en librairie et est aussi disponible sur www.voir.ca! 772 maisons au total de partout au Québec, répertoriées en quatre sections: Montréal, Québec, Outaouais et Régions. 538 restos ont été visités au cours des 12 derniers mois. Beaucoup de nouveaux venus, 147 exactement; beaucoup de nouveautés aussi, clairement identifiées. Chaque critique de restaurant peut ainsi, selon le cas, être accompagnée de cinq icones:

  • Fourchette indiquant une nouveauté d
    ans l’édition de cette année
  • Flèche vers le haut signalant une amélioration de la cote cuisine
  • Grappe de raisins indiquant une carte des vins recherchée
  • Verre à pied pour les établissements "Apportez votre vin"
  • Parasol pour les terrasses, petites ou grandes

    Lorsque nous visitons les établissements apparaissant dans le Guide Restos Voir, nous signalons notre passage aux propriétaires, après avoir mangé et payé l’addition, à moins que les exigences particulières de l’anonymat ne s’y opposent. Chaque critique est aussi accompagnée d’une date permettant de valider que nos visites se font selon le calendrier prévu.

    Et toutes ces améliorations ont été apportées pour toutes les régions où le Guide Restos Voir cherche les bonnes tables pour vous en parler. Des Îles-de-la-Madeleine en Outaouais, du Saguenay-Lac-Saint-Jean à la Montérégie. À noter: 117 restaurants dans la section Québec.

    Cette année plus que jamais, votre Guide Restos Voir constitue un outil de sélection encore plus fiable et, nous le souhaitons, encore plus agréable à utiliser. Bonne lecture et bon appétit!

    Jean-Philippe Tastet et toute son équipe