Le hasard d’un détour (une rue qui redevient à sens unique pour la quatrième fois!) et la nécessité de manger, et voilà: par paresse, on cherche un resto près des lieux où l’on aboutit. Le nom figurant sur l’enseigne vous dit quelque chose, vous connaissez l’immeuble et, devant l’entrée, de grandes photographies couleur vous branchent les papilles. Vous succombez, chair faible. De l’établissement qui a précédemment occupé cet endroit subsistent les grands murs de brique. Le peintre Maurice Richard, de Berthierville, y expose ses toiles vives. Sièges rembourrés, lustres design, décor dans l’ensemble dépouillé. Nous aboutissons tout au fond, dans un petit salon discret qui donne vue sur la terrasse arrière. La voix de Norah Jones nous y a suivis. Au moment où nous passons commande, c’est la musique de Nuevo Latino qui régit le tempo de mon pied tapant doucement le sol. Nous avions à peine survolé le menu du midi et "La Petite Carte" – pizza croûte mince au poulet et mangue, pavé de saumon en feuille de vigne, etc. J’avais failli me laisser tenter par la soupe à l’oignon gratinée à la bière, commandée par deux clientes arrivées après nous, mais le potage aux petits légumes au fumet de homard avait fini par l’emporter. La carte? Audacieuse, au point que sa lecture s’accompagne d’un interminable chapelet de "oh là là!": gravlax de flétan à l’orange et vodka, lasagne de crevettes fraîchement sautées (aux mangues et aux poivrons), filet de tilapia à la noix de coco grillée, tartare de pétoncles en cornet de nori… sans parler du canard confit, du caribou, de l’agneau, du poulet de grain, de l’osso buco. J’avale une dernière gorgée de ma Sol, sans vider mon verre; mon amie termine son Montepulciano d’Abruzzo choisi en apéro. Nous sommes prêts pour ledit potage. Plus clair que je ne m’y attendais, il n’en est pas moins goûteux, fleurant bon la marée, garni d’une courte brunoise de carottes et de poivrons rouges, ainsi que de petits oignons blancs fondants. Bon début, nous disons-nous. Les entrées s’amènent et, avec elles, un verre de Graves (2002) pour mon vis-à-vis. "Tartelette fondante de poireaux et pleurotes": humble libellé pour ce délice, bien qu’on précise "sirop de porto et chutney de pommettes de l’île d’Orléans aux épices". C’est un concert de saveurs tout en nuances, un fragile équilibre qu’un rien pourrait rompre, mais qui perdure. Je ne suis pas au bout de mes surprises, car ma propre entrée se range d’emblée parmi les meilleurs ris de veau qu’il m’ait été donné de goûter. La sauce, sucrée-salée, parfaitement équilibrée, est aux pêches et au miso. Les ris eux-mêmes, parfaitement nettoyés, vous fondent sur la langue, de même que les quartiers de pêche caramélisés. Et la petite salade de bébés épinards, pas acide pour un sou, pimpante en bouche, fraîche et croquante! Moi, je craque. J’aurai beau vanter l’excellence des autres plats de cette soirée, cette entrée, à mon sens, les surclasse. "Oh, mon Dieu!" s’exclame mon amie en voyant arriver, au service suivant, son poulet de Cornouailles entier, nappé d’une luisante sauce brune (au vin doux et moutarde de Meaux), parsemé de petits champignons, accompagné d’une salade de poires et jus de citron, en plus d’une purée de Yukon Gold et marrons qui, elle, se révèle trop salée. Le volatile, lui, a la peau légèrement rôtie; la chair s’avère savoureuse, le blanc plus moelleux qu’à l’ordinaire, en un mot savoureux. La sauce fait elle aussi dans la subtilité. Riz safrané, asperges, ciboulette et poivrons rouges escortent mon sauté de pétoncles et (grosses) crevettes de l’Argentine accommodées à la bisque de homard. Les fruits de mer respirent la fraîcheur et ils en ont le goût; la cuisson en est parfaite. Mais, encore une fois, la sauce! Ce qu’il me reste de pain y passe, après mollusques et crustacés. Bref, un pied… divin!
Le Pain béni
24, rue Sainte-Anne
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 694-9485
"La Petite Carte": 4 à 9 $
Menu du jour: 10,95 à 18,95 $
Table d’hôte à partir de 26 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 102,95 $
ooo
SONDAGE: QUE PENSEZ-VOUS DU GUIDE RESTOS VOIR?
Reconnu partout au Québec comme LA référence critique sur les restaurants du Québec, le Guide Restos Voir en est à sa neuvième édition. En préparation de son 10e anniversaire, nous invitons les lecteurs du guide imprimé et les utilisateurs du guide Internet à nous faire part de leurs impressions et de leurs suggestions, afin que l’édition 2006 soit encore meilleure que le cru 2005 !
Écrivez votre commentaire sur le Guide Restos Voir
GUIDE RESTOS VOIR 2005
Le Guide Restos Voir, édition 2005 est arrivé en librairie et est aussi disponible sur www.voir.ca! 772 maisons au total de partout au Québec, répertoriées en quatre sections: Montréal, Québec, Outaouais et Régions. 538 restos ont été visités au cours des 12 derniers mois. Beaucoup de nouveaux venus, 147 exactement; beaucoup de nouveautés aussi, clairement identifiées. Chaque critique de restaurant peut ainsi, selon le cas, être accompagnée de cinq icones:
-
Fourchette indiquant une nouveauté dans l’édition de cette année
-
Flèche vers le haut signalant une amélioration de la cote cuisine
-
Grappe de raisins indiquant une carte des vins recherchée
-
Verre à pied pour les établissements "Apportez votre vin"
-
Parasol pour les terrasses, petites ou grandes
Lorsque nous visitons les établissements apparaissant dans le Guide Restos Voir, nous signalons notre passage aux propriétaires, après avoir mangé et payé l’addition, à moins que les exigences particulières de l’anonymat ne s’y opposent. Chaque critique est aussi accompagnée d’une date permettant de valider que nos visites se font selon le calendrier prévu.
Et toutes ces améliorations ont été apportées pour toutes les régions où le Guide Restos Voir cherche les bonnes tables pour vous en parler. Des Îles-de-la-Madeleine en Outaouais, du Saguenay-Lac-Saint-Jean à la Montérégie. À noter: 117 restaurants dans la section Québec.
Cette année plus que jamais, votre Guide Restos Voir constitue un outil de sélection encore plus fiable et, nous le souhaitons, encore plus agréable à utiliser. Bonne lecture et bon appétit!
Jean-Philippe Tastet et toute son équipe