Difficile d’entrer chez Mesquite, dans l’antre du regretté Passe-Partout, sans ressentir une pointe de nostalgie. Dire qu’il y a peu, on venait là faire provision de pain, le meilleur en ville, affirmaient certains… Le Passe-Partout, la boulangerie comme le restaurant, a fermé ses portes. Il faudra se faire une raison.
La boulangerie proprement dite a fait place à un bar; dans la vitrine, les cactus ont remplacé les viennoiseries. Disparu, le four à pain. Là où il trônait auparavant, on a aménagé quelques tables. La salle à manger, plus "formelle", est à droite, là où festoyaient les clients de James McGuire.
Les murs, décorés de tableaux à vendre, sont peints de jolies couleurs aux tons chauds, qui rappellent les ocres du Nouveau-Mexique. Dans la salle à manger, curieusement, on s’est arrêté à la cimaise: le haut du mur et le plafond de tuiles, défraîchis, sont demeurés en l’état. Pour cette raison, le décor, malgré d’indéniables qualités, donne une impression d’inachevé.
Le thème, on l’aura compris, est la cuisine du Sud et plus particulièrement le barbecue à la mode du Sud. Comme il s’agit d’un créneau pratiquement inexploité ici, il y avait matière à se réjouir, d’autant que c’est le chef Michael Minorgan, figure bien connue de la gastronomie montréalaise, qui dirige la cuisine. (Le chef Michael présidait à la destinée du restaurant Benedict’s, fermé depuis peu.)
L’idée, c’est de fumer des viandes et de les faire cuire doucement, longtemps, afin de les imprégner du parfum du mesquite, bois aromatique emblématique de la cuisine au barbecue du Sud. Opération plus délicate qu’il n’y paraît puisqu’un fumage intempestif confère à tout, des pétoncles au magret de canard, un détestable goût de saucisse à hot-dog. Pas ici, heureusement.
À la lecture du menu, le carnivore salive. À l’évocation des lanières de porc (pulled pork) et des côtes levées, on voit défiler sous ses yeux les monumentales pièces de viande que Délima servait à Fred Caillou.
D’où peut-être, au moment du choix des entrées, l’envie d’opter pour la proposition la moins calorique: les calmars grillés. Hélas, le chef, insatisfait des résultats, n’en sert pas. Le problème est-il donc insurmontable? On trouve ailleurs des calmars grillés, tendres et fort bons. Les mollusques, on les croquera donc frits. Rien à redire, sinon que la portion semble petite, compte tenu du prix (au resto et à la poissonnerie) des petites bêtes. Côté friture toujours, les doigts de barbue (catfish) se signalent par une chair moelleuse et une croûte de maïs craquante.
En plat principal, on vous offre la possibilité de jumeler deux viandes. Les côtes levées, bien dégraissées, se laissent ronger sans mal ni excès d’enthousiasme. La pointe de poitrine (brisket) est nettement moins réussie: la viande fondante, tendre au point d’être privée de toute texture, est beaucoup trop grasse. Et la sauce barbecue relevée qui nappe généreusement le tout écrase et uniformise les saveurs. Comme à-côtés, ne manquez pas les oignons frits, bien réussis, et les haricots noirs, bel exemple d’équilibre entre le piquant, le sucré et l’aigre. À souligner aussi les petits pains au maïs, qu’on pourrait toutefois se donner la peine de servir chauds.
La salade, présentée avec un pavé de saumon grillé et une relish d’avocat sans vice ni vertu, n’est guère plus convaincante, et la vinaigrette, pourtant dite "célèbre" (l’enflure verbale caractérise tout le menu), manque singulièrement de tonus.
Le brownie aux pacanes servi avec une glace caramel et pacanes comme le pouding au pain baptisé au bourbon, correctement exécutés, concluent le repas sur une note très riche, très sucrée.
Au moment de notre visite, les serveurs semblaient dépassés par les événements: nous avons dû demander deux fois qu’on vienne caler la table bancale; on a omis de nous apporter la carte des vins. (Pas commode, soit dit en passant, de marier un pinard à cette cuisine aux saveurs robustes). L’arrivée imminente d’un groupe de vingt explique peut-être certains ratés, mais elle ne les excuse pas.
On est finalement en présence d’un petit resto de quartier. Qu’à cela ne tienne: le chef a visiblement entraîné dans son sillage de nombreux fidèles, heureux de le suivre dans sa nouvelle aventure qui, inscrite dans la mouvance du slow food, se bonifiera peut-être peu à peu.
De 60 $ à 80 $ pour deux, taxes et pourboire compris, avant les boissons.
Bémol: une brigade qui se cherche.
Dièse: à-côtés et desserts réussis.
3857, boulevard Décarie
(514) 487-5066