Toutefois, quelques jours avant Noël, de grandes feuilles de papier placardées sur les vitres dérobaient encore à la vue ce qui se passait à l’intérieur: l’aménagement des lieux, la peinture, la décoration. C’est dire qu’au moment de notre visite, l’établissement est encore en rodage, du moins en ce qui concerne certains petits détails tels que le choix limité de boissons, la table d’hôte "à venir", etc. Mais l’essentiel est en place et incline à l’optimisme. Tableaux et assiettes décoratives ornent les murs. Ici et là, théières, narghilés et autres objets garnissent de petites étagères de bois clair. Un groupe occupe deux tables proches: pères, mères et enfants réunis là pour un souper familial de tajines et de couscous. D’autres clients arriveront un peu plus tard. La carte, que j’ouvre enfin, annonce une fine cuisine marocaine (sous le signe de la menthe et du clou de girofle). "Mais il y a du tunisien là-dedans", me fait remarquer mon amie en pointant du doigt le couscous aux poissons. Notre serveuse nous confirmera la chose en apportant nos premières consommations – un verre de vin rouge et un thé vert (servi plutôt tiède et sans ce petit cérémonial qu’on apprécie tant). Choisir! Il y a d’abord les entrées froides, des salades peu courantes (oranges et artichauts, carottes marinées, tomates et oignons…) et le hors-d’œuvre royal qui doit les réunir toutes. On en arrive aux soupes (la harira aux pois chiches, tangeroise au poisson) et aux entrées chaudes de crevettes tigrées, d’escargots, de briouates aux crevettes, au fromage de chèvre et toutim. Mon amie a déjà fait son choix et sirote son verre de vin en me jetant de brefs coups d’œil… découragés. Elle a faim, quoi! Je parcours en diagonale la liste des couscous, aux légumes, poulet, agneau, kefta, fruits de mer, m’attarde à peine aux grillades d’agneau et de poulet, zigzague parmi les tajines d’agneau, les tajines de volaille, les tajines de poissons et m’arrête enfin, épuisé par ce sprint. Je commande une pastilla comme on supplie "à boire" au milieu du désert. Il s’agit d’une entrée copieuse, que je partagerai avec ma compagne. Pour le principal, j’hésite encore un peu, mais non par coquetterie. Gorgées de thé, bouchées de pain au carvi, propos sur la neige et le mauvais temps: ainsi passent les minutes avant qu’arrive notre pastilla déjà divisée et servie dans deux assiettes. Un peu tiède. Deux bouchées plus loin, elle se révèle froide. Nous demandons qu’on nous la réchauffe. Ah, les degrés lui font le plus grand bien! Excellente, cette pastilla, ce mélange d’amandes et de poulet bien assaisonné, cette pâte fine qui craquelle sous la fourchette et sous la dent, ce petit goût de sucre glace qui se mélange sans heurt aux épices… "Il faudrait se garder de la place…" Ce n’est qu’un conditionnel et n’oblige donc à rien. Erreur! Le plat suivant me décourage au premier coup d’œil. Deux énormes brochettes, une d’agneau et une de poulet! Un peu d’oignons confits à gauche, des carottes confites à droite, ici un savoureux riz blanc mêlé de légumes et de citrons confits, plus une petite salade. Tendres et juteuses, la viande et la volaille doivent sans doute à un long marinage ce goût soutenu qui vous mobilise les papilles. D’où un sentiment d’urgence, illogique mais bien réel: on mange trop vite et l’on s’invente toutes sortes d’excuses quand on s’est arrêté à mi-chemin. Dans l’assiette vous narguent encore le tiers (au moins) de chaque brochette, une coulée de sauce tomatée, un peu de riz, un reste de salade… Le tajine de mon amie, copieux et tout aussi beau à voir, réunit pour le plaisir des yeux et du goût une abondance de crevettes, des petits pois, des pommes de terre, carottes, citrons confits, olives, poivrons jaunes et verts, tout cela dans une sauce aux tomates ni acide ni trop relevée. Cela vaut bien un second verre de vin rouge. "Tu ne manges plus?" Je réponds par une boutade: "Non. Il ne me reste qu’à descendre mon thé…" Elle rit… et déclare bientôt forfait à son tour. Je me commande un café qui, lui, m’est servi chaud, contrairement à l’énumération des desserts qui nous laisse froids. Du moins, jusqu’à une prochaine visite.
Restaurant Labarca
104, rue Saint-Vallier Ouest
Québec (Québec)
Téléphone: (418) 522-0871
Entrées: 2,95 à 10,25 $
Plats de résistance: 9,25 à 16 $
Menu du midi à partir de 8,25 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 55,16 $