Quel plaisir de traverser le mois de janvier – un de nos mois préférés avec sa météo chaleureuse – quand on trébuche sur une petite maison comme ce Jolifou. En décembre, plusieurs lecteurs m’avaient signalé l’endroit, ouvert fin octobre; je connaissais le chef pour avoir apprécié son travail chez Toqué! et Au pied de cochon, entre autres. J’aime bien laisser passer un ou deux mois avant d’aller faire l’état des lieux. Ça donne le temps à bien des choses de se placer. Et à bien des gens de se replacer.
De mon premier passage avant Noël, je n’avais conservé que quelques bons souvenirs sur fond de mariachis et de couchers de soleil à travers les cactus. Un décor simple, amusant, un service attentionné et une carte des vins épousant bien le style de cuisine choisi. La cuisine du Jolifou est très ensoleillée, paysages mexicains ou d’Amérique latine; accents, çà et là, de mole, de salsa grillée, de tortillas et de chili Ancho. Un mois plus tard, je me souvenais aussi de l’excellente qualité des plats – notamment de pétoncles moelleux, parfumés et pleins de vie, ainsi que d’une assiette de joue de veau parfumée au romarin et au guajillo, ce petit piment subtilement excitant qui titille plus qu’il ne brûle.
Revenu pour le midi début janvier, mes souvenirs de 2004 réapparaissent. Gentillesse du personnel en salle, attentions pour toutes les tables, explications claires, petite musique enveloppant dans un cocon appréciable par une journée de température débile et sibérienne comme nos hivers nous en donnent. Et surtout, surtout, cuisine impeccable. Ainsi, même si je n’ai rien contre les crucifères, pour réussir à m’allumer avec du chou-fleur, il faut vraiment se lever tôt. Soyeuse crème de chou-fleur, touche d’huile de romarin, quelques dés d’échalote rôtie et de poivron rouge grillé, une goutte de vinaigre de sherry. Magnifique; j’étais tellement bien que j’arrivais à oublier mon immense frère de l’autre côté de la table, venu là pour faire du bruit et admirer le travail de son cadet. Et aussi parce que ce n’était pas lui qui payait.
Entrée de tamale et salsa aux saveurs de maïs, de tomatillos et texturée de plaisir sous la fourchette. Tout est soigné, équilibré et pétillant juste comme il faut pour stimuler le client. Vous serez stimulés au-delà de vos espérances.
Plat de résistance: un risotto aux champignons, poblanos et pecorino, risotto d’orge gorgé de sucs de champignons et de piments. Et un steak de cerf, tendre, parfumé, découpé en belles tranches. De belles touches de tamarin, de vin rouge et de piment doux et un accompagnement de purée de pommes de terre et quelques branches de rapini qui s’harmonisent parfaitement à la viande.
En dessert, le chef montre qu’il n’a pas appris la cuisine seulement au Nouveau-Mexique, où les desserts sont un peu rudimentaires. Il propose en effet un joli petit brownie au chocolat et à la banane ou une panacotta enluminée d’une chiffonnade de mangue et d’un coulis d’ananas souligné d’une touche de menthe. Ici aussi, on frôle la perfection.
Toutes les assiettes sont montées avec goût, retenue et à-propos. Et cette élégance augmente encore le plaisir que l’on a à découvrir les mets proposés.
On est également reconnaissant aux jeunes propriétaires de faire preuve de beaucoup de retenue au moment de l’addition, les plats du midi allant de 11 $ à 14 $ avec entrée ou dessert et le repas du soir avec entrée et dessert étant offert à 27 $. Une bonne affaire, dites-vous? Une excellente adresse, selon moi. Bon appétit.
Le Jolifou
1840, rue Beaubien Est
(514) 722-2175
Ouvert en soirée du mardi au dimanche et à midi du mardi au vendredi. Le soir, préparez une trentaine de dollars par personne avant boissons, taxes et service. Une quinzaine à midi. Au moment de payer, on trouve l’endroit vraiment un peu fou et extrêmement joli. En partant, je les ai remerciés d’avance pour vous.