Restos / Bars

Chez le Portugais : Chaude nuit dans la ville blanche

Que la Saint-Valentin tombe en février tient, chez nous en tout cas, du paradoxe: rencontre fusionnelle du chaud et du froid, accès de fièvre et chute du mercure. La température grimpe et descend. De quoi vous chambouler les constitutions les plus robustes.

Dans ces conditions, quoi de mieux, comme prélude à l’amour, que de devancer le printemps et de s’attabler sous le soleil lusitanien? Chez le Portugais, en l’occurrence. Ouvert depuis six mois environ, l’établissement ne manque pas d’ambitions: d’un côté, une boutique aérée propose quelques spécialités portugaises; de l’autre, un espace coloré et agréable cumule les vocations de café, de bar et de resto, dans un décor éclectique où les masques mexicains côtoient les sculptures en métal d’animaux africains (clin d’œil à la jungle de la Main?) et les canapés résolument "lounge", auxquels répond la musique du même nom. Un lieu, en somme, en parfait accord avec son environnement. Pour le fado et les envolées nostalgiques à fendre l’âme, il faudra s’adresser ailleurs.

On fait ici dans les petiscos, soit les tapas à la portugaise, petites assiettes (aux portions généreuses) qui, naturellement, font la part belle aux poissons et fruits de mer. Le service, malgré la clientèle clairsemée ce soir-là, a des lenteurs méridionales: le temps, quoi, de baratiner l’élu(e) de votre cœur, de lui susurrer des mots doux à l’oreille, de lui faire du genou sous la table en sirotant votre petit verre de porto blanc; ou, selon l’humeur, de trépigner d’impatience. L’arrivée de la corbeille éveille votre "autre" appétit? Hélas, le pain est quelconque. On a eu la délicatesse de le chauffer sur le gril. Ce faisant, on l’a brûlé d’un côté. Et pourquoi le beurre salé en barquette quand on vend à côté de la bonne huile d’olive?

Fort heureusement, la suite est plus engageante. Prenez par exemple le bacalhau a braz, spécialité de Lisbonne, l’autre ville blanche, fait de morue dessalée, de pommes de terre allumettes (frites, donc) et d’œufs. Pas exactement léger et forcément un peu huileux, mais fort bon. Une fois n’est pas coutume. Même remarque pour les légumes grillés (les Portugais, on le sait, comptent parmi les maîtres incontestés de la grillade), joliment présentés. Toujours dans le même registre, les croquettes à la viande, fondantes à souhait, bien épicées et savoureuses, attestent d’une solide maîtrise de la grande friture…

Ce qu’on retrouve un peu moins dans les bonnes vieilles "patates frites", servies moins croustillantes que ce dont on a l’habitude ici, bizarrement à la fois molles et un peu dures sous la dent. Servies brûlantes, elles accompagnent tant bien que mal le filet de porc à la sauge (on vous avait promis une soirée cochonne), qui arrive surmonté d’une grosse branche… de romarin. D’ailleurs, pas l’ombre d’un goût de sauge dans cette viande au demeurant plutôt bonne, dans laquelle on reconnaît de la côtelette et non du filet. La sauce, par ailleurs, a des accents industriels.

Le clou du repas, c’est, sans surprise, du côté de la mer qu’on va le trouver. D’abord, des calmars grillés, tout simples, à la texture parfaite, servis avec un jus aillé et persillé bien goûteux. Ensuite, les filets de sardines, grillés eux aussi et servis dans le plus simple appareil (honni soit qui mal y pense) sur une tranche de pain, correct cette fois-ci. Un trait de jus de citron, et c’est le bonheur.

Outre le porto, la maison propose quelques crus portugais, tarifés raisonnablement. Les deux rouges goûtés ce soir-là, dont un en importation privée (14 $ pour deux verres), se sont montrés bons compagnons.

S’il vous reste de la place, essayez les natas, tartelettes fourrées à la crème pâtissière saupoudrées de cannelle qui rappellent le galaktoboureko des Grecs. Au prix d’un petit effort d’imagination, vous les verrez même en forme de cœur.

N’oubliez pas que la Saint-Valentin est, avec la fête des Mères, une des soirées les plus courues de l’année. Réservez tôt, où que vous alliez, ou prolongez le plaisir en sortant la veille ou le lendemain.

Difficile de donner une idée du prix de votre tête-à-tête: tout dépend de la cherté de vos choix et surtout de votre appétit (la plupart des petiscos se vendent entre 6,95 $ et 10,95 $). Vous devriez pouvoir vous en tirer pour une cinquantaine de dollars, taxes et pourboire compris, avant le porto et le vinho.

Bémol: bien que très sympathique, le service est plutôt lent et brouillon.

Dièse: l’accueil chaleureux, un décor joli et éclectique, une ambiance agréable, des spécialités portugaises séduisantes.

Chez le Portugais
4134, boulevard Saint-Laurent
(514) 849-0550