Restos / Bars

Le Club Chasse et Pêche : Une nouvelle excellente adresse

Ne jamais se fier à un nom. Ou alors prendre ça au deuxième, troisième ou, comme dans ce cas-ci, 264e degré. Depuis leur départ un peu précipité de leur ancienne adresse, les rumeurs allaient bon train dans notre beau milieu sur le retour en force des cubistes de la première heure, Claude Pelletier et sa brigade côté cuisine et Hubert Marsolais et son équipe côté salle. Autant leur disparition m’avait surpris et désolé, autant la perspective de les voir ouvrir une nouvelle maison me remplissait de joie.

Début janvier, les choses se précisaient: "Le nouveau restaurant du tandem Marsolais-Pelletier vient d’ouvrir." Au téléphone, quelques amis gastronomes et espions occasionnels s’extasiaient, à peine sortis de table: "C’est fameux!" Je jubilais.

Bien sûr, quand on m’a dit que ça s’appelait "Le Club Chasse et Pêche", j’ai bien eu quelques moments d’hésitation. Où avais-je rangé mes moulinets? Mes cuissardes seraient-elles encore étanches? Ma chemise à carreaux assez chaude? La crosse de noyer de mon vieux Cæsar Guerini Roman Luxe serait-elle suffisamment patinée pour que je n’aie pas l’air trop plouc ou, pire encore, trop Français-venu-chasser-dans-l’immensité-désertique-blanche-et-glacée-du-Québec?

Un déjeuner et un dîner plus tard, toute hésitation est mise de côté. Le Club (aucun rapprochement à faire avec Le Cube ou alors seulement les gens qui ont un petit esprit, tordu et malintentionné, donc ni vous, ni moi, ni les concepteurs de ce magnifique endroit) est un pur plaisir pour les sens.

Le plaisir vient, d’abord et avant tout, de la cuisine toujours aussi allumée du chef Pelletier. Une cuisine qui décoiffe et surprend avec subtilité et élégance; comme avec ces ris de veau croquants servis sur un lit de céleri-rave en gratin dans une élégante petite casserole. Ou avec ce foie de veau grillé, champignons et polenta, plat signature du chef et qui distille toujours un égal bonheur. Ou encore avec "Nuage", ce petit dessert croquignolet comme tous les desserts devraient l’être, qui vous emporte dans les cieux en vous enveloppant de fruits exotiques, de gelée au miel et d’une touche d’eau de rose. Même oncle Pierre, qui affiche une légère surcharge pondérale au lendemain de ses libations de fin d’année, flottait tel un angelot pouponnesque au-dessus de sa chaise. Émouvant.

La cuisine du chef Pelletier va puiser dans le meilleur de nos produits locaux et en tire des choses insoupçonnées; comme, lors du repas du soir, dans cette tarte aux champignons sauvages et dans ce risotto au cochonnet braisé qui nous laissèrent sans voix. Tout dans ces deux entrées était parfait: cuisson, accords magiques, textures, capacité d’évocation des éléments et de la nature. Un plat d’anthologie. La magie fonctionne également avec les plats principaux, totalement avec le suprême de pintade rôti, tendre, goûteux et généreux, ou partiellement avec le haut de cuisse de chevreuil, un peu édulcoré et manquant du tonus habituel de ce bel animal à la cuisse pourtant traditionnellement sautillante. Les légumes du jour, servis dans une longue assiette que l’on partage entre convives, rattrapent la défaillance du gibier. Et il va sans dire que des desserts aussi hallucinants que l’"Étranger", lit de riz moelleux, abricots, figues séchées, éclats de pistaches, graines de grenade et voile léger de safran, méritent au chef l’admiration et la reconnaissance éternelle des esthètes gourmands. Ce soir-là, je tenais absolument à le remercier en votre nom; emporté par l’émotion, il avait malheureusement disparu tôt en soirée. Je priai son équipe de lui transmettre mes chaleureux applaudissements. Vous verrez, vous aussi vous voudrez applaudir, tant le tout est réussi.

En plus de l’impeccable cuisine du chef Pelletier, tout dans ce club – accueil attentionné et service chaleureux, entre autres – est fait pour que l’on s’y sente bien. Et l’objectif visé est atteint. Ces murs qui ont connu de belles heures à l’époque du Fadeau revivent et se montrent à nouveau très accueillants. Il faut ici souligner le magnifique travail de Bruno Braën à qui l’on doit le très pétillant décor de chez Pullman et dont reconnaît la griffe au Club Chasse et Pêche. Les salles sont belles, bar où l’on peut prendre un verre et manger quelques bouchées avant de passer à table ou salle à manger à l’espace occupé intelligemment. Les fauteuils exigent bien quelques acrobaties pour passer de la position détente à la position dégustation, mais on s’habitue assez rapidement, compte tenu de la qualité de ce qui est sur la table. Lorsque l’accès au pipeline pinardier, monopole momentanément bouché, sera rétabli, la carte des vins retrouvera le lustre auquel Hubert Marsolais nous a habitués. Dans l’immédiat, de petites choses comme ce Mercurey 2002 de chez Lorenzon réchauffent le cœur et contribuent, en parfaite communion avec les plats du chef Pelletier, à cette élévation salutaire de l’âme.

Les nombreux gentils membres seront extrêmement reconnaissants envers tous ces gentils organisateurs de les inviter ainsi à partager les plaisirs de ce club sélect et déjà très impressionnant. On n’a jamais trop de bonnes tables et celle-ci figure sans aucun doute à mon palmarès des 10 meilleures à Montréal.

Le Club Chasse et Pêche
423, rue Saint-Claude
(514) 861-1112

Ouvert en soirée du mardi au samedi et à midi du mardi au vendredi. À midi, table d’hôte à 19 $ pour une entrée et un plat principal. Ajoutez 5 $ pour le dessert. Comme toujours, soyez vigilants si vous ne voulez pas voir votre addition s’envoler. En soirée, prévoyez une quarantaine de dollars par personne avant boissons, taxes et service.