Parti de sa Suisse natale, et ayant bourlingué ici et là, voilà que M. Reymond pose ses pénates dans notre région. Dix mois déjà qu’il s’affaire dans les cuisines de ce qui fut longtemps le Verlan. Une transition qui s’est faite en douceur, mais non sans causer un peu de confusion dans la tête du dîneur occasionnel. On opta donc récemment – sage décision! – pour un changement de nom, tout en conservant les qualificatifs de "fine cuisine créative".
Un peu perdue sur la rue Laval, à l’ombre d’une caisse pop et aux abords du boulevard Sacré-Cœur, la petite maison n’a pas changé. Le décor y est sobre, avec ses murs deux tons vert et ocre et ses aquarelles paisibles. Nappes blanches et verrerie fine ajoutent au classicisme de l’endroit. L’accueil est tout sourire et offrira un service sinon impeccable, du moins sympathique et sans prétention. Quelques étourderies – retirer les verres à vin alors que la bouteille n’est pas terminée ou oublier les mignardises – nous donneront l’impression qu’on nous pousse vers la porte, mais les excuses sont d’une sincérité qui commande le pardon!
Le menu propose une table d’hôte de 35 à 40 $ – avec extra pour certaines entrées comme le foie gras -, déclinant amuse-gueule, potage, entrée, granité, plat, café et mignardises. Formule gros appétits! La carte des vins est bien bâtie, faisant la part belle au Vieux Continent, sans pour autant négliger le Nouveau Monde.
Nous ouvrons avec un petit tartare de saumon et confit de canneberges délicieux, suivi d’un fin potage de pois cassés à la texture soyeuse. Très bon début! Suit un pressé tiède de loup de mer et saumon, sauce au fruit de la passion. Si on lui reproche une certaine fadeur, elle sera compensée par le fruité du coulis, bien dosé. Des ris de veau sont servis sur une savoureuse salade de lentilles et moutarde de Meaux, mais la minceur des tranches de ris leur fait perdre de leur moelleux. Triste, car l’assiette est fort belle. On nous ménage ensuite une pause dans ce défilé d’assiettes, avec un frais granité à la menthe.
Mon ami Laurier poursuivra avec des crevettes tigrées servies sur un risotto… fraise et champagne, rien de moins! N’étant pas friande de petits fruits cuits, je me fais mauvais juge. Mais on s’entend pour dire que le mariage crevette-fraise ne nous convainc pas, les saveurs manquant de contraste. On reprochera aussi aux crevettes une certaine résistance sous la dent, signe d’une cuisson prolongée. De mon côté, une cuisse de lapin confite et son râble farci sont plus inspirants. Belle assiette dont je ne verrai pas le fond – quoique à force de gratter la délicieuse réduction à la lavande, j’en dégagerai un petit coin…! Un ensemble forestier très goûteux, simplement servi avec une polenta aux fines herbes et des petits légumes frais et bien apprêtés (carottes en julienne, haricots fins, choux de Bruxelles et asperges).
Nul besoin de préciser que nous sommes, après ces copieuses agapes, tout à fait repus! Mais le chef, en bon gourmand, garde une pensée pour notre dent sucrée et offre de jolies truffes chocolatées en accompagnement du café. Juste ce qu’il faut pour bien clore le repas… et rassurer notre cardiologue!
Un souper pour deux se montera à 85 $, avant vin, taxes et pourboire. Encore raisonnable pour une table qui en est à sa première année et qui semble ouverte à l’expérimentation et à l’amélioration.
Michel Reymond
222, rue Laval
Gatineau (Hull)
Tél.: (819) 777-8883