Restos / Bars

Grenadine : Diabolo fraise

Il y a longtemps que je me promettais de faire l’essai de ce petit resto niché à l’ombre du cégep du Vieux-Montréal, d’autant plus que je conserve un souvenir attendri de soirées passées chez Bazou, qui occupait naguère les lieux. La salle n’a d’ailleurs pas beaucoup changé: les couleurs sont vives et la cuisine lilliputienne (plus petite que celle qu’on retrouve dans bien des chaumières nord-américaines) occupe toujours un coin, face à l’entrée.

Ce qui frappe d’entrée de jeu (outre les heures d’ouverture, soit du mercredi au samedi, en soirée seulement), c’est la brièveté de la carte: cinq entrées (dont une manquait déjà, peu après l’ouverture), sept plats principaux et trois desserts. Avant l’entrée, on vous invite à choisir entre le potage et la salade. Il faut préciser que la maison a retenu la formule table d’hôte (de 22 $ pour les pâtes à 38 $ pour l’agneau, excluant le dessert, proposé à 6 $). Les prix vous font sourciller? Dites-vous que vous vous rattraperez du côté des libations: en effet, on vous invite à apporter votre vin.

Ce qui gêne, en fait, c’est plutôt l’habillage "bistro" d’une cuisine sans prétention, certes, mais assez recherchée: la nappe de papier posée sur celle en tissu, le beurre salé en barquette (qui fait injure à la baguette très correcte) et le lait en berlingot détonnent un peu, surtout qu’on a la charmante attention de vous apporter une jolie carafe d’eau bien fraîche. Pendant qu’on chipote, disons aussi que la serveuse, au demeurant sympathique et efficace, aurait eu besoin d’un coup de main: on a beau avoir l’œil à tout, il n’est jamais facile d’assurer le service en solo. Ces menus irritants exceptés, le plaisir est au rendez-vous.

Prenez, par exemple, l’amusante soupe tomate, citronnelle et lait de coco: le goût de la tomate, relevé par la citronnelle, est intense et le lait de coco, discret, fait contrepoint. Entrée en matière réussie, tout à fait indiquée par une (très) chaude soirée de juin.

Remarque qui s’applique un peu moins à la crème brûlée au foie gras (supplément de 3 $), régal lipidique que mon invitée, bravant la canicule, a bien voulu goûter: sous sa croûte de sucre, l’appareil est lisse, onctueux, bref cochon à souhait (excusez le jargon technique), même si la saveur est moins intense qu’on pourrait le penser. En complément de programme, on offre une confiture d’oignons (un peu trop) parfumée à la cardamome et quelques triangles de pain grillé pour faire mouillette dans le foie gras… Pas banal et, somme toute, réussi.

Même constat du côté du feuilleté de champignons portobello aux figues et au fromage bleu. À un feuilleté lourd façon "vol-au-vent", la cuisine préfère judicieusement un feuilletage plus léger, fait de pâte moulée en fond de tartelette. Pour le reste, les champignons faisaient un heureux ménage à trois avec le bleu et la figue, dont les épousailles font toujours des étincelles.

En plat, un simple filet de tilapia, bien saisi, nappé d’une salsa mangue, citron vert et coriandre. La chair du poisson est fondante, la salsa, goûteuse et le quinoa servi en accompagnement (céréale mal aimée qui a du mal à sortir du circuit de la cuisine santé), fort bienvenu, quoique un peu fade.

Les crevettes géantes, duo de monstres marins à la chair ferme mais juteuse et savoureuse, côtoyaient une crème fouettée comme on en voit sur les sundaes, mais là s’arrête la ressemblance puisqu’elle est ici généreusement relevée au cari. Assiette encore une fois sympathique. Comme dans la première, manque toutefois une garniture de légumes digne de ce nom. À ce propos, disons que la julienne de chayotte servie nature nous a laissés sur notre appétit. Le riz offert en garniture aurait lui aussi gagné à être salé.

Joliment présenté, le fondant au chocolat, coquille de gâteau au chocolat remplie d’une sorte de sauce au chocolat, a clos sur une note très sucrée un repas agréable qui, tout compte fait, s’est terminé, lui, sur une note pas trop salée.

De 70 $ à 80 $ pour deux (s’il vous reste de la place pour ajouter le dessert), avant les taxes et le pourboire. Vous apportez votre vin.

Bémol: La liste des desserts est courte, même au vu du reste du menu; à cause de l’exiguïté des lieux, les tables sont un trop peu rapprochées.

Dièse: Une cuisine inventive, des plats bien exécutés, à des prix corrects.

2004, avenue de l’Hôtel-de-Ville
(514) 287-0099
www.grenadine.ca