Restos / Bars

Pop! : De l'élégance, dans le verre et dans l'assiette

Une foule de détails permet de penser que ce très bel endroit est sans doute parti d’une idée tournant autour du vin. Une demi-douzaine de sommeliers travaillant sur place; une abondance de carafes et de décanteurs; de très jolis verres en cristal, blasonnés par la maison Vinum à qui l’on doit ce qui se fait de mieux dans le domaine à Montréal; une des plus belles cartes des vins de Montréal à laquelle s’ajoutent une douzaine de choix au verre particulièrement amusants. Tous les fins connaisseurs se réjouissent déjà de la chose, qui porte le sautillant nom de: Pop! Cuisines du vin ou Pop!, tout court, pour les intimes.

Étant moi-même moins porté sur le biberon que sur la fourchette, mes extases vinicoles sont plus maîtrisées et la vue des rangées de bouteilles, tout grands crus soient-elles, m’émeut rarement. Mais la table de chez Pop!, ça, c’est une autre histoire. Quel bonheur! Quelle jouissance! On frise l’éblouissement, on veut rester dormir sur place pour être là le lendemain dès l’ouverture. On est prêt à tout pour ça. On annulera les rendez-vous, appellera la gardienne, trouvera mille excuses pour le bureau, le tout pour pouvoir repartir sur les belles petites routes de campagne de l’un des itinéraires proposés par cette maison.

C’est une cuisine simple dans sa grande recherche, rurale dans son urbanité branchée, féminine et très rugbystique dans bien des aspects.

Recherche: elle apparaît, par exemple, dans un plat aussi simple que l’œuf en meurette de Marie-Sophie (Marie-Sophie Picard, chef de l’endroit, et votre prochaine meilleure amie si vous êtes le moindrement porté sur la bonne chère). Après avoir été poché dans le vin rouge, bourguignon de préférence, cet œuf est épongé, refroidi, roulé voluptueusement dans une chapelure anglaise (pain, ail, oignon et chapeau melon; jamais de kilt, sauf si vous osez une chapelure écossaise), pour enfin être légèrement frit. Ceci procure des frissons à l’amateur qui découvre que peu lui importe qui de la poule ou de l’œuf arriva en premier, car cet œuf-ci est purement divin.

Rurale: comme dans la soupe paysanne à boire et à manger. Certes, cette soupette est servie dans une assiette si urbaine qu’on la croirait dessinée par Michel Dallaire, éminent designer industriel qui urbanise même les grandes bibliothèques, ou par un des disciples d’Alessi, pape de l’urbanité chez les assiettes. Mais c’est son caractère véritablement agricole qui la rend si irrésistible. Une feuille de chou, quelques flageolets et carottes, une poignée de dés de céleri et de pomme de terre, du thym, du laurier, une pointe d’ail, un jus de cuisson d’agneau et un fond de volaille, quelques beaux morceaux d’épaule d’agneau et de talon de jambon cru. Comme ça, ça n’a l’air de rien et pourtant tout est là. Vous en parler davantage me ferait trop souffrir, je sors juste de table et pourtant, je pourrais y retourner de ce pas pour une cuillerée de ce fabuleux bouillon.

Les gens de chez Pop! proposent ensuite le chabrot. Dites-leur que partout où il se pratique, et ce, depuis la nuit des temps, ce chabrot (ou chabrol pour les puristes) se fait avec le bouillon qui reste en fin de plat; pas au milieu de la chose, alors que l’assiettée est encore resplendissante de tous ses éléments. Vous pouvez, vous aussi, à titre de client distingué, montrer à l’occasion que vous avez des lettres et connaissez la cuisine régionale du fin fond de la France.

Féminine: dans la subtilité de ces petites sardines en escabèche minute, poivrons grillés et fenouil, frétillantes d’être ainsi mariées à des éléments si harmonieux. Ou dans l’extrême délicatesse de ce carpaccio de bœuf coupé au couteau et accompagné d’huîtres citronnées, de cresson et d’une note de basilic. Élégant, sensuel, puissant, subtil et intelligent. Comme on les aime. Et l’on retrouve toutes ces qualités dans des desserts – préparés par Catherine, jeune pâtissière pleine d’avenir – comme ce pot de crème chocolat et lavande, où le goût puissant du chocolat est joliment équilibré par la fleur de lavande infusée qui vient se lover contre votre langue dans un élan érotique que les mots ne sauraient décrire. Bon, je me laisse peut-être un peu emporter, mais c’est assez impressionnant pour vous faire dire des choses qui dépassent l’entendement. Et je ne vous parlerai même pas de la tuile nougatine qui décore le plat… Même enchantement avec la glace au citron et basilic mouillée de limoncello, accompagnée d’irrésistibles petits sablés. Lisse, voluptueuse, enchanteresse.

Rugbystique enfin, dans des plats comme l’assiette de prosciutto Monastero, plat chéri des joueurs du Stade toulousain qui ont battu en finale de la coupe d’Europe les Parisiens du Stade français, grands amateurs quant à eux de ces épinards qui ne les ont pas empêchés par contre de se faire aplatir par les vigoureux Toulousains. S’ils avaient goûté ces pousses d’épinards frais au pesto de noisette grillée que prépare Madame Picard, peut-être eussent-ils été moins fluets face aux robustes jambons de leurs adversaires.

Le décor de chez Pop!, danois fin des années 60, contribue au plaisir de passer ici. Son confort permet d’excuser le fait que l’on s’éternise un peu au-delà du temps requis pour un souper. Le service est assuré par des gens qui semblent prendre beaucoup de plaisir à exercer leur métier. Le vôtre n’en sera que plus grand de vous installer pour une longue soirée dans cette belle nouvelle maison.

Pop!
250, avenue des Pins Est
(514) 287-9127
Ouvert tous les soirs de 17 h à minuit. Les dimanches et lundis, charcuterie et fromages seulement. Les barriques, elles, restent accessibles en tout temps. Comptez une quarantaine de dollars par personne avant boissons, taxes et service, pour un plantureux repas.