On est peu porté à chercher la Malaisie du côté de Gloucester. Pourtant… Il serait fou de bouder ce paradis des saveurs sous le simple prétexte qu’il est excentré. D’accord, je vous le concède, la petite maison de brique peinte n’a rien de branché, ni le décor un peu kitsch. Mais tout est dans l’assiette… et dans le service.
Une série de 5 à 7 nous ayant menés dans l’est de la ville, nous décidons de poursuivre le plaisir de ce jeudi soir festif: vivement les plaisirs d’une cuisine malaise et indonésienne qui ne nous a jamais déçus. Un rapide coup de fil nous assure qu’on nous accueillera, même un peu tard. Et arrivés vers 21 h, nous ne sentirons aucune pression pour accélérer le rythme. Le service, assuré ce soir-là par le chef lui-même, est follement sympathique, léger dans le ton et efficace dans l’exécution.
Les cuisines de la Malaisie et de l’Indonésie ont toutes deux été fortement influencées par les pays qui les entourent. L’Inde leur apporte cari, kurma et biryani; la Chine, les nouilles et le soja. À cela, on ajoute les épices indigènes à l’Asie du Sud-Est – galanga, menthe, basilic, coriandre, tamarin, gingembre, citronnelle, pour n’en nommer que quelques-unes – qui participeront de la création d’une identité gastronomique propre.
Affamés, nous ouvrons donc la soirée en partageant deux entrées: crevettes géantes et oignons verts sont enroulés de pâtes et frits pour des rouleaux croustillants (Rojak), simples et savoureux, dont on fera trempette dans une sauce à la tomate et au chili bien piquante; même principe pour les rouleaux de printemps – Popiya -, faits de légumes en pâte, tout aussi dorés et goûteux. Un plaisir qui tient à la fraîcheur des ingrédients et à la légèreté de la friture.
Mais il faut avouer que nous venons avec une idée fixe. Leah et moi voulons initier Donald à l’incontournable bœuf Rendang, ce cari sec – sans sauce – typique à la région et si bien exécuté ici. Le chef nous propose une assiette à deux versions : le Rendang indonésien, et le malais, le premier bien relevé, le second épicé à vous en arracher des larmes: les feux de l’enfer en plein paradis! Viande tendre, saveurs vivifiantes! Nous équilibrons les choses avec une salade Gado Gado indonésienne: une sauce à base de soja et d’arachides, à la fois salée, sucrée et épicée, nappe concombre, tofu frit, chou, haricots verts et germes de soya. Le Undang Istimewa, un plat de crevettes malais, viendra compléter brillamment la sélection, par sa fraîcheur, sa cuisson parfaite et ses parfums plus doux. Enfin, nous accompagnons le tout de riz traditionnel, le Nasi Minyak, basmati cuit à la vapeur et décoré de raisins secs, d’amandes et d’oignons frits.
Malgré que nous nous trouvions fort heureux et repus, nous laissons à d’autres la culpabilité et plongeons sans détour dans les desserts: bananes plantains frites – bonheur chaud et fondant! – et Ice Kacang, une colline de glace pillée nappée de sirop parfumé et de lait de coco, et décorée d’arachides broyées et de fruits de palmier, ces petites gelées colorées qui résistent finement sous la dent. C’est plein de fraîcheur pour calmer nos papilles incendiées!
Un très copieux repas pour trois gloutons se montera à une soixantaine de dollars: tout à fait raisonnable pour une cuisine irréprochable qui vous transporte au bout du monde et des saveurs.
Chahaya Malaysia
1690, chemin de Montréal (près du chemin Blair)
Gloucester
Tél.: (613) 742-0242