Restos / Bars

Le St-Clair : Pour votre bon plaisir

Le St-Clair? Une grande table qui fait déjà l’orgueil d’un petit village. On n’en attendait pas moins du chef Franck  Weissmuller.

La maison date de 1797 et se trouvait de l’autre côté de la rue. Déplacée, restaurée et même rénovée, elle n’a pourtant rien perdu de son charme d’antan. Un parterre fleuri précède le bref escalier par lequel on accède à la galerie de bois égayée de jardinières. À l’intérieur, des tableaux vous sollicitent dans toutes les directions – Riopelle, Julie Couture, Pauline L’Heureux, Jacynthe Pellerin… Tôt ou tard, vous voudrez visiter le salon, explorer les deux salles à manger, vous rendre jusqu’à la verrière et revenir par la section réservée au bar pour jeter un œil au livre d’or ouvert sur le comptoir. Le chef ne m’est pas inconnu. J’ai déjà goûté à sa cuisine, du temps où il exerçait son art dans Charlevoix. C’est son nom, je l’avoue, qui nous attire ce soir à Sainte-Claire, mon amie et moi: il y a des régals qu’on n’oublie pas. Et nous nous en promettons tout un en dégustant des yeux la carte qui s’ouvre sur ce mot de Brillat-Savarin: "Convier quelqu’un, c’est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu’il est sous votre toit." Moelleux de chèvre frais et tomates séchées à l’huile de piment et caramel balsamique, confit de canard sur pommes sarladaises (jus au thym et son mesclun), pièce d’agneau marinée, demi-coquelet à la diable, confit de blanc de poireaux parfumé aux truffes et poêlée de langoustines… À ce moment de la lecture, on s’éponge discrètement les lèvres. On s’envoie ensuite une bonne rasade de Sleeman derrière le col roulé. Je parle pour moi, bien entendu. Mon amie carbure au vin rouge (Rio de Plata 2003). Nous avons déjà fait un sort à la "mise en bouche": une simple crevette décorée d’une large feuille de basilic. Humble d’apparence, elle a tout de même su avertir nos papilles qu’il fera beau (et bon) dès l’arrivée de nos premières assiettes. Ce qui ne tarde pas. S’amène donc pour moi une saisie de fenouil à l’huile de pistaches, tapie sous une poêlée de foie gras de canard. Après deux ou trois bouchées, je n’ai encore prononcé aucune parole. Mon amie s’en étonne, goûte à mon plat et verbalise: "Oh, mon Dieu!" C’est exactement ce que je pensais – pour résumer en trois mots la finesse de l’ensemble, la justesse de la cuisson, la subtilité de saveurs si intimement liées et pourtant si distinctes. Sa propre assiette est aussi joliment présentée que la mienne, mais garnie d’un croquant de ris de veau aux portobellos grillés. Une très fine croûte abrite le moelleux des ris de veau, lequel a presque la texture d’un flan. Un "petit jus à l’érable" leur apporte une note de douceur, sans trop appuyer, et fait ressortir par contraste le goût des portobellos. Nous accompagnons cela de petits pains au pavot (faits maison). Je m’estime comblé, et même repu, mais ce ne sont jusque-là que les entrées. J’avais décliné l’offre d’un potage, ce qui, selon ma logique du moment, m’autorise à tâter un peu de la salade servie à mon amie – "La belle verte au vinaigre de champagne", fraîche et goûteuse, qui répand autour de nous un discret parfum de truffes. Des mini-baguettes aux fines herbes l’accompagnent; au service suivant, elles seront relayées par des petits pains aux lardons. Mon coup de grâce: une énorme et succulente entrecôte marquée par le grill, rosée à l’intérieur, nappée d’une sauce brune très serrée et judicieusement escortée de haricots verts aux lardons et d’une pomme de terre au four farcie de sa propre chair (réduite en purée, assaisonnée et truffée de ciboulette ciselée). En face de moi, un sourire m’invite à explorer une autre assiette que la mienne: dés d’aubergines et polenta aux cèpes voisinent avec une côte de porc poêlée, cuite à point et mouillée d’une réduction au marsala. Cela ne se décrit pas. On mange en tâchant de se convaincre qu’on ne rêve pas, et ce n’est pas facile. Nous nous passerons des desserts. Nous le croyons en nous le disant, mais on les a déjà préparés pour nous. Un seul, alors, que nous partagerons. Eh bien, ce dessert… unique se présente sous quatre formes, soit une flûte rouge remplie d’une soupe aux petits fruits (gadelles, bleuets, etc.) et vin rouge épicé, deux minuscules palmiers, un pot de crème brûlée à la vanille, plus un petit "pain" en quark (fromage blanc) de chèvre surmonté d’un demi-abricot et mouillé de sirop d’érable. En repartant, tout émus encore, nous ne trouvons rien d’autre à dire que: "À bientôt!"

Le St-Clair
37, boulevard Bégin, Sainte-Claire
Tél.: (418) 883-1680
Menu du jour à partir de 12 $
Table d’hôte: 34 à 40 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 85,12 $