Restos / Bars

Le Petit Parisien : Le charme discret de la bourgeoisie

L’été venu, la gourmandise se fait vagabonde, et on a envie d’aller voir ailleurs ce qui se mange. Évidemment, on privilégie les établissements idylliques, à flanc de colline, au bord d’une rivière ou au milieu d’un boisé, là où le gazouillis des oiseaux et le clapotis de l’eau invitent à la méditation digestive. Et si, par esprit de contradiction, on allait faire un tour du côté de Sherbrooke? L’"ombre de l’Orford", après tout, n’est pas si loin.

D’ailleurs, Le Petit Parisien ne serait déplacé dans un cadre campagnard. La maison en demi sous-sol distille le charme un peu vieillot de la bourgeoisie. Murs vert foncé, parsemés d’affiches, plafond bas, de couleur foncée aussi, tables bien dressées. Contrairement à ce que son nom indique, le resto donne moins dans la cuisine française "pure et dure" (je m’empresse d’utiliser une expression qu’on risque d’entendre souvent au cours des prochains mois) que dans les produits régionaux.

En fait, on propose une formule "table d’hôte" (sans "carte" à proprement parler) surtout orientée vers le gibier à poil ou à plumes, à telle enseigne que le seul poisson au menu donne un peu l’impression de faire de la figuration. La précision vous aidera peut-être à choisir la bouteille que vous apporterez. (Aléa de la formule: notre bouteille, un bourgogne, se révéla hélas bouchonnée. Doit-on donner raison à ceux qui affirment qu’il faut prévoir deux bouteilles de rouge, en plus du blanc, au cas où? Bonjour la spontanéité!) Heureusement, la serveuse, qui assure un service courtois et professionnel, nous fait vite oublier notre déconvenue… et nous oriente, Gros-Jean comme devant, vers le dépanneur le plus proche. (Soupir.)

Le potage du maraîcher, au goût d’abord un peu particulier, se laisse avaler sans mal. Il a l’avantage de miser sur les légumes davantage que sur la crème. Beaucoup plus riche, évidemment, est la bisque de homard (supplément de 3,95 $), préparée selon les règles de l’art: saveur de crustacés intense et contrepoint "piquant", que je crois être celui du cognac.

Les entrées, servies sur de jolies petites assiettes rectangulaires, frappent d’abord par leur élégance: c’est le genre de construction qu’on s’en veut de détruire à grands coups de fourchette. Le petit pavé de saumon, qu’accompagne une intrigante émulsion au basilic pourpre, est posé sur des bâtonnets de pâtes à chou. Seule réserve, la chair du poisson a un goût fumé trop prononcé, ce qui dénature quelque peu le produit. Les rillettes de wapiti, recommandées par la chef, ne déçoivent pas: la préparation bien moelleuse fait merveille sur son lit de tapenade.

Après le granité au pamplemousse, la fête carnivore commence pour de bon. Le duo de wapiti et de cerf – des tranches de viande tendre à souhait – est servi avec une émulsion à la citronnelle et au gingembre de même qu’avec une sauce à la viande au demeurant tout à fait correcte. Le problème, c’est que ladite sauce envahit toute l’assiette, y compris les légumes (qui, bien que très diversifiés, ont un goût un peu indistinct). Et si on ne gardait que l’émulsion aux parfums d’Asie? Sinon, on devrait "saucer" la viande avec plus de parcimonie, quitte à en proposer comme à-côté.

On retrouve la même garniture de légumes du côté du duo d’agneau du Québec (un filet d’une tendreté exemplaire et un jarret correct, peut-être un peu trop cuit, cependant) et sa sauce aux fromages québécois. Disons que le goût des fromages était discret dans cette sauce riche et surabondante.

La véritable surprise nous attendait au dessert. La maison propose à ses convives déjà repus un trio de mignardises tout à fait charmant: une impeccable petite crème brûlée à l’érable, un "shooter" de ganache au chocolat au goût dense et riche, recouvert d’une petite couche de mousse, à la manière d’un bon espresso, et une boule d’une délicieuse glace maison, au caramel au sel de Guérande. Apothéose gourmande qui fait oublier quelques menus écueils.

Pour deux, comptez de 60 à 70 $ pour six services (le granité et le café, y compris), avant les taxes et le pourboire. Apportez votre vin.

Bémol: on souhaiterait un peu plus de retenue dans l’utilisation des sauces qui garnissent les plats principaux.

Dièse: présentation soignée, en particulier celle des entrées, viandes succulentes, excellents desserts.

243, rue Saint-Alexandre
Sherbrooke
(819) 822-4678
www.lepetitparisien.com