Restos / Bars

Le Griffé : Patte de velours

Dans les cuisines du restaurant Le Griffé, trois chefs reconnus mettent en commun leurs talents, persistent et  signent.

Surprise totale. L’aspect extérieur du nouveau Sheraton de Charlesbourg ne laisse en rien deviner ce que vous allez découvrir quelques instants plus tard. En franchissant le seuil du Griffé, vous marquez un premier temps pour admirer à votre gauche le petit salon chic et cossu, décoré de tableaux et de grandes urnes. Mais déjà, au loin, sur la droite, un mur couvert de masques africains attire votre attention. Puis un imposant lion noir, puis les jardinières de paille, le bar immense au mur carrelé de mosaïque, les deux hérons élancés… puis des oies, des coqs… les banquettes, tout au fond de la pièce et, plus près de vous, ces fausses colonnes de drapé éclairées en transparence, dont la couleur change à intervalles… Sollicitée de partout à la fois, votre attention s’égare, va et vient. Vous avez un peu de mal à vous concentrer sur les mots de bienvenue que vous adresse le personnel. "Pour souper, bien sûr… oui, ici… ou plutôt là… à moins que…" Après de longs zigzags sur le tapis moelleux, mon invitée et moi finissons par opter pour une table proche de la porte patio ouvrant sur la terrasse que nous irons explorer, un peu plus tard, en terminant nos apéros (Hoegaarden et Chardonnay). De là, nous avons une vue sur le chantier d’un futur parcours de golf. Certains des clients qui nous ont précédés sont déjà passés de l’apéro aux entrées; d’autres s’attaquent à plus gros – de grandes assiettes où nous croyons deviner le mignon de porc épicé laqué à l’érable, le pavé de bœuf, les rillettes de sanglier ou le poisson du jour, la pagase (famille des pangasiidae), qui nous tente autant que le reste. Toute la salle embaume de parfums baladeurs. Les rubriques de la carte – "Griffe de feu", "Griffe d’eau", etc. – détaillent en termes engageants les créations signées Claude Godbout, Yvan Fillion et Didier Martin. On peut ne composer son repas que d’entrées. C’est ce que nous faisons. Mon premier plat? Une "crème brûlée de foie gras à la chicoutai et son ragoût de cerise de terre, framboise sous feuillantine dorée, jus en miroir de vin". Un peu plus dense que je ne m’y attendais, la crème brûlée s’abrite d’une croûte de sucre candi, croquante et dorée. Elle se mange à petites cuillerées… pensives. Du velours en bouche, fait de saveurs subtiles qui s’aiment au-delà des différences de caractère et de texture. Du côté de mon invitée, la nage de truite à la noix de coco et son tempura de légumes s’amenuisent à une vitesse qui m’inquiète. Aurai-je droit à ma petite quote-part? Deux bouchées me rassurent. Nos sourires se parlent par-dessus la table. De temps à autre, un serveur ou une serveuse vient s’assurer que tout va bien et s’en retourne, aussi content que nous. Mon invitée entame un second verre de vin au moment d’accueillir son "pavé fumant d’aiguillettes de poulet au cajun et aux poivrons, friture de maïs". De nouveau, deux ou trois bouchées pour moi, dans le but de me convaincre que le poulet, ces jours-ci, n’est pas toujours aussi "dégénéré" que je me plais à le répéter. J’admets et me rabats illico sur mon rouleau d’oie confit, en l’occurrence deux moitiés posées debout, unies par une brochette de bois, et accompagnées d’un confit de gingembre, d’un chutney à l’ananas relevé de curry et d’une petite salade à la citronnelle. Là, je suis à bout de commentaires; les grandes émotions sont muettes. Le coup de grâce m’est ensuite porté avec un ravioli de pétoncles au persil de mer, nappé d’un coulis de homard suave comme une bisque. Mon bonheur eût été complet sans la présence, dans l’un des mollusques, de quelques grains de sable – rares, mais tout de même irritants. Totalement abstraite de la réalité, mon invitée s’est fourvoyée dans les dédales gourmands d’un dessert aussi joliment présenté que ce qui a précédé. Haletant, j’attends. Une toute petite pointe de n’importe quoi. Et c’est enfin comme une délivrance de goûter à ce gratin de poires aux pacanes et mascarpone, chapeauté d’une délirante glace aux morilles, bordé d’une tuile au chocolat elle-même paraphée d’un coulis de bleuets.

Restaurant-bar Le Griffé
Hôtel Sheraton Four Points
7900, rue du Marigot, Charlesbourg
Tél.: (418) 647-2000
Table d’hôte: 27,95 à 38,95 $
Table d’hôte "4 éléments": 19,95 à 34,50 $
Menu du midi à partir de 8,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 82,82 $