(*) traduction très libre: attachez vos bérets, basques de préférence, avec de la très, très grosse broche à foin. Ça bouge, ça remue, ça décolle.
Dans Le Petit Tastet, édition 2005, on trouve la définition suivante: "Pintxo [pint?o]: préparation apéritive simple, originaire du Pays basque." Ce petit nouveau venu, installé rue Roy, propose cela mais beaucoup plus également. Une cuisine sympathique, ébouriffée, très amusante et qui comblera de bonheur les gastronomes à la recherche d’un lieu différent.
La recette est simple. Prenez un très bon chef passionné, deux ou trois allumés qui travaillent en salle et en coulisses, un petit local et quelques entonnoirs. Envoyez le chef travailler à l’étranger (dans ce cas-ci au Pays basque) chez d’autres très bons chefs tout aussi passionnés. Immergez les deux ou trois allumés dans des cours intensifs de cuisine et de sommellerie. Décorez le petit local avec sobriété, des murs aux couleurs chaudes et quelques toiles tendance néo-Gaudi. Mélangez vigoureusement le tout et, normalement, vous obtiendrez une très bonne adresse à mettre au plus vite sur la porte du frigo pour votre prochaine sortie. (Les entonnoirs sont pour tous ces jeunes gens un peu fous qui ouvrent leur Pintxo à une adresse qui a connu tant d’échecs dans des vies antérieures. Vous pouvez aussi mettre une patte de lapin, un trèfle à quatre feuilles ou une photo de Dimitri Yachvili, le génial demi de mêlée du Biarritz Olympique, champion de France de rugby de la saison 2004-2005 [jamais de grève ni de lock-out au rugby…].)
Le chef de Pintxo s’appelle Alonso Ortiz et il vient de Mexico. L’allumé numéro un qui court en salle avec son entonnoir sur la tête, le sourire aux lèvres et les bras chargés de pintxos s’appelle José Lopez. Lui vient d’Astorga, petite ville espagnole de province de Léon, sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. La foi déplace des montagnes. Ils sont jeunes, ils sont beaux et ils préparent de magnifiques petites choses. Comme quoi pour les pintxos, ce qui compte avant tout, c’est le talent.
Le principe de base est le même que pour les tapas, mais au Pays basque, on appelle ça des pintxos, ça fait plus basque. Et très honnêtement, enfin aussi honnêtement que je peux quand il s’agit de parler du Pays basque, le principe n’est pas tant dans la cuisine qu’autour de celle-ci.
Par exemple, je pourrais vous décrire en détail les étapes de mon passage à cette table (voir annexe A en fin de chronique). Manquerait alors l’essentiel: le plaisir du partage, de la convivialité, de la rencontre et du temps précieux passé à table avec vos amis. On retrouve tout cela ici: une vibration comme dans les petits bars à tapas du Barrio Chino ou du Barrio Gotico de Barcelone ou dans ceux des quartiers animés de Bayonne, de San Sebastian ou de Saint-Jean-de-Luz. Pourtant, la musique joue en sourdine, personne ne crie et il n’y a pas ici de midinettes posées pour étourdir plus que pour servir.
L’énergie vient du plat, de sa simplicité apparente et de la dynamique qu’il provoque. Petites assiettes choisies en commun, troc et marchandage: "Je te donne une bouchée de mon tartare de saumon contre un champignon farci au canard confit." Quelquefois, l’assiette n’en est même pas une, juste une petite tuile sur laquelle sont posées deux ou trois bouchées, petites tranches de pomme de terre couvertes de calmars et d’oignons confits, onctueuse terrine de foie gras, quelques légumes grillés.
Énergie ne signifie pas énervement. Pintxo est un bel endroit où passer une soirée en groupe, en couple ou en solo. La carte des vins est légère et court vêtue, vertu élémentaire pour une carte des vins. Je viens de communiquer au comité de sélection des citoyens basques honorifiques les noms des deux non-Basques aux fourneaux et en salle. Vous me direz ce que vous en pensez.
Pintxo
256, rue Roy Est
(514) 844-0222
Ouvert du mardi au samedi de 18h à 23h et sur l’heure du midi du mercredi au vendredi. Comptez une quarantaine de dollars par personne avant boissons, taxes et service, pour un festival de pintxos. À midi, table d’hôte de 12 à 16 dollars. En plus de cette formule de totale liberté laissée aux clients, la maison propose un menu dégustation, assortiment de quatre pintxos (sélectionnés par le chef) et un plat principal (sélectionné par vous-même).
Annexe A
Pintxos: calmars ouillés d’oignons confits (3 $), brochettes de chèvre et tomates (3 $), capeline de pétoncles et tapenade d’olive noir et anchois (3 $), terrine de foie gras et brunoise d’oignions confits (5 $), demi cuit de bonito sur lit de ratatouille (4 $).
Plats principaux: el pescado que eligio Alonso (17 $), jarret d’agneau d’inspiration de Segovia (20 $). Le dessert est compris, mais il est d’une telle insignifiance que je préfère ne pas vous en parler. Croyez-moi, celui que nous avons eu ce soir-là était un grand moment dans l’histoire du "Ce soir, privé de dessert". On espère qu’ils vont engager un vrai pâtissier.