Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé: aller souper pour le travail dans un nouveau petit bistro et y revenir le lendemain midi, juste pour le plaisir. Et, pour les quelques grincheux qui pensent que tout est sur le bras de mon patron quand je vais au restaurant, j’ai payé de mes propres deniers; et avec un grand sourire, en plus. Cette ravissante petite maison s’appelle Bistro Justine et vient d’ouvrir avenue Van Horne dans la section "Tiens, il me semble qu’on pourrait ouvrir un énième restaurant dans le coin".
J’ai découvert la chose un soir en passant par hasard dans le quartier. Arrêté au feu rouge, exactement devant la porte de l’autre côté de la rue, j’ai été attiré par cette jolie petite lucarne. Il faut parfois peu de choses pour que l’effet soit réussi. Il faut aussi une part de chance pour tomber sur une maison comme celle-ci, quand elle est aussi minuscule.
Côté décor, on appelle ça "faire bien avec peu". Ici, on devrait d’ailleurs dire "faire très bien avec très peu". La lumière, les couleurs, l’agencement de ce presque vide rendent l’endroit invitant, sympathique et chaleureux. Et le service ajoute au tout. Pas trop, mais juste assez; présent sans être collant; on sent le coq gaulois, mais un coq qui chante juste et à la bonne heure. Il règne ici une belle atmosphère, quelque chose de simple et de convivial, quelque chose qui ressemble à du plaisir véritable tant pour le client que pour le restaurateur, cuisine et salle comprises.
Côté cuisine, on a ici de petites assiettes bien équilibrées, conçues avec goût et montées avec discernement. De beaux produits et la certitude d’avoir quelqu’un en cuisine qui sait ce qu’il fait. Comme on est au bistro, la carte est un peu minimaliste. Au moins ici, les prix sont à l’échelle et le client sort gagnant puisque si l’on paie peu pour des portions légères, la qualité de ce qui est dans les assiettes est très au-dessus de ce à quoi l’on pourrait s’attendre dans une si lilliputienne maison.
Le soir, on craque pour un mijoté d’agneau et semoule aux zestes confits, cuit sans chichi; un filet de mignon de bœuf AAA, accompagné d’un tout aussi mignon gratin dauphinois et d’une tomate confite. On arrose avec un petit verre de rouge du terroir français, détaillé amicalement. On fait suivre avec une crème brûlée à l’érable irréprochable et une soupe à l’ananas décorée d’une quenelle de glace à la noix de coco et de copeaux de la noix en question. L’affaire est dans le sac. On rentre chez soi restauré élégamment, en ayant encore en poche quelques-uns de ces dollars apportés au cas où.
On pourra les investir un autre jour, à midi. Par exemple, dans une mignonne salade niçoise au thon "sushi" ou dans des tagliatelles aux chanterelles fraîches, crémeuses à souhait et d’une incroyable générosité. En étant prudent, on s’en tire pour une vingtaine de dollars à deux. Il faut quand même le faire de nos jours. Et toujours cette ambiance sympathique, ces allées et venues de voisins passés ici emporter un déjeuner de luxe à prendre sur le coin de leur bureau.
Bistro Justine est la maison parfaite où aller le soir (ou le midi) lorsque l’on n’a ni le goût de préparer le repas ni l’envie de dépenser une fortune. En fait, c’est si bon et si bon marché que l’on peut même y aller en famille, prouvant ainsi une fois de plus à ses proches son immense générosité. Ne me remerciez pas.
Bistro Justine
1268, avenue Van Horne
(514) 277-2728
Ouvert du lundi au vendredi de 8h30 à 22h et le samedi de 16h30 à 22h. À midi, comptez une quinzaine de dollars par personne avant boissons, taxes et service. Le soir, guère plus. Le choix de vins est un peu lapidaire, mais dans ce cas-ci, c’est tout à fait accessoire, tant le reste est ravissant.