Restos / Bars

Kalalu : Métissage aux parfums des îles

Rue Saint-Denis, l’offre de restaurants est proprement étourdissante. À un point tel que le promeneur affamé mais indécis risque l’indigestion avant même la première bouchée. À quel hameçon mordre? J’ai pour ma part été appâté par l’enseigne de Kalalu, qui promet de la "cuisine fusion des Caraïbes". Au contraire de quelques-uns de mes collègues, à qui la seule mention du mot "fusion" donne de l’urticaire, j’ai un faible pour les préparations où se mêlent (harmonieusement) des influences diverses. D’ailleurs, nous apprend le menu, "kalalu" est un mot créole signifiant "gombo" ("okra", en anglais), mais aussi "mélange".

Cela dit, la carte de Kalalu est moins "fusion" qu’on pourrait le penser, les présentations moins "tendance" que la carte d’affaires le laisse supposer. On a affaire à des plats à la mode des îles (Haïti, en particulier, si on comprend bien), où seules les mentions "satay" et "vindaloo" évoquent la fusion au sens où on l’entend habituellement. Ce qu’il y a, c’est que la cuisine des îles, carrefour d’influences, comme le menu le rappelle à juste titre, est métissée par nature.

À souligner le caractère convivial de la maison, où cohabitent, outre les plats à la carte, une table d’hôte et des formules dégustation, idéales pour une initiation, et même un menu pour enfants, attention si rare qu’elle vaut la peine d’être signalée. Par ailleurs, la salle un peu sombre fait contraste avec une cuisine résolument ensoleillée.

Par souci d’exhaustivité, nous avons retenu la formule dégustation. Du côté des entrées ressortent surtout les cigares créoles, croisement entre le rouleau impérial et le cigare au chou, qui goûtent presque le "pâté à la viande" de nos grands-mères, piment excepté. On fait trempette dans un jus de viande savoureux. Les "chiquetailles" (du verbe "déchiqueter"), ici un émincé de hareng fumé servi sur des croûtons, au lieu de la morue traditionnelle, sont moins incendiaires que prévu, mais délicieuses. Les accras de morue nous sont apparus moins convaincants, peut-être parce qu’en dégustation, on ne les sert pas (on se demande pourquoi) avec la mayonnaise à la lime et le chutney à la mangue annoncés à la carte.

Le satay de poulet jerk est une réussite. La viande, bien grillée et moelleuse, a bien pris le goût de la marinade. Par suite d’un conditionnement pavlovien peut-être, je me suis dit qu’une trempette "finirait" agréablement le plat. Le griot, comme son nom l’indique, fera chanter les papilles des amateurs de porc. Ici, la viande, goûteuse et fondante, est rôtie jusqu’à sec. Comment, dans ce cas-ci, expliquer l’absence de la sauce annoncée au menu? Mystère. Autre plat emblématique, le lambi, des lanières de conche servies en sauce, nous a plutôt laissés froids, au contraire du sancoche, délicieuse ratatouille dont le goût légèrement fumé nous a rappelé l’aubergine bartha servie dans quelques restos indiens.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner au passage l’exquis riz aux pois collés servi en accompagnement. Même remarque pour les frites de patates douces. Moins croquantes que celles dont nous avons l’habitude, mais fondantes et sucrées, elles font merveille avec les deux mayonnaises (l’une pique, l’autre pas) proposées. À noter aussi le service enthousiaste, très enveloppant, qui s’efforce par tous les moyens de faire oublier une certaine lenteur en cuisine.

Côté douceurs, à supposer qu’il vous reste de la place, le "pin-du-ri" est, contrairement à ce qu’on pourrait penser, un pouding au pain. Les parfums de banane et de noix de coco annoncés sont pour le moins discrets, mais le "gâteau" qu’accompagne une boule de glace à la vanille est agréable, quoiqu’un peu passe-partout.

Les boissons, chez Kalalu, ne sont pas en reste; même qu’elles font l’objet d’un menu distinct proposant, outre quelques vins, un vaste choix de jus, de "shakes" et de cocktails, dont certains sans alcool, vachement tendance. Vous préférerez peut-être arroser ces plats épicés d’une bière, par exemple une Carib, et laisser votre palais vous transporter dans les îles.

Comptez de 40 à 60 dollars pour deux avant les taxes et le pourboire.

Bémol: la maison n’accepte ni les cartes de crédit ni les cartes de débit. Faites provision de billets avant de vous attabler ou utilisez le guichet automatique présent dans l’établissement.

Dièse: formules conviviales; plats amusants, représentatifs d’une cuisine encore trop peu présente chez nous; service très avenant.

4331, rue Saint-Denis
(514) 849-7787
www.kalalu.ca