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Le G : Le G, comme dans Gastronomie urbaine revue et améliorée

Certaines maisons ont un tel charme que porter un jugement objectif sur leur table est un peu périlleux. Enfoncé dans les coussins, on se raccroche à la nappe et à la grille d’évaluation comme un naufragé à sa bouée. Le G, restaurant situé dans l’hôtel Germain, fait partie de cette catégorie. Fauteuils profonds (pas terrible d’ailleurs pour la table), fond musical lounge feutré, fleurs fraîches, boiseries, ambiance zen. Le ballet du personnel se fait comme dans un souffle. Ici, par la seule magie des lieux, on est ailleurs, New York, Londres, peut-être Paris. Un ailleurs meilleur comme dans les rêves. Au moment de l’addition par contre, on est à Montréal, ce qui est beaucoup mieux.

Niché à la mezzanine de ce chic petit hôtel-boutique, le G constitue donc une des belles surprises de l’automne. L’arrivée récente derrière les fourneaux de jeunes cuisiniers pleins d’énergie, d’idées et de talent a dynamisé l’endroit. On y prend aujourd’hui des repas dignes de ce à quoi on est en droit de s’attendre dans un endroit aussi croquignolet.

L’une des grandes vertus de cette nouvelle table est d’avoir su établir une carte qui colle parfaitement aux lieux. Quand on a la chance d’évoluer dans un tel environnement et que l’on dispose de l’évident talent de ces jeunes toques, on est en mesure de proposer aux clients gourmands une belle prestation. Et cette agréable fusion entre l’assiette et ce qui s’y trouve est ici particulièrement réussie.

Bien sûr, la grande qualité de la cuisine joue pour beaucoup dans le bien-être ressenti au G. Par exemple, dans des entrées aussi pétillantes que cette poêlée de calmars et crevettes, salsa d’asperges, maïs et tomates, par exemple. Avant de les laisser partir en salle, on avait habillé les jolis fruits de mer d’une touche de combawa. Ce lointain (île de la Réunion) cousin du citron donnait au plat une touche exotique et ce petit déhanchement dans l’assiette qui ne laisse personne indifférent. Ou ce velouté de pois verts, émulsion d’anis étoilé, foie gras poêlé. Plat soyeux, joyeux et si harmonieux que l’on en vient à regretter immédiatement tout le mal que l’on a dit dans le passé des pois, petits, moyens ou gros.

Même émotion pour les pâtes fraîches aux champignons des bois choisies en plat principal à midi. Il est en effet toujours intéressant de voir si les cuisiniers sont capables de faire quelque chose d’extraordinaire avec une chose aussi ordinaire. Ici, ils le sont, d’où l’émotion. Savoureux pleurotes et divertissants shiitakes et maïtakis, le tout souligné d’une saucinette au chèvre. La saucinette est la version plus légère, plus subtile et plus discrète de la sauce, plus vulgaire et plus lourde, que des cuisiniers moins inspirés – vous peut-être; moi sans aucun doute – eussent utilisée dans un tel plat.

En soirée, un magnifique risotto d’amandes torréfiées, piperade du marché, œuf de caille mollet et deux plats principaux aussi idylliques: à gauche, ris de veau confit, choux-fleurs et oignons cipollini caramélisés, poêlée de shiitakes et leur jus; et à droite, une olympique (lire un peu musclée sous le couteau et sous la dent) pintade savoureuse, courge spaghetti crémeuse, vinaigrette de légumes marinés.

Tout ceci est fait avec soin, application et est réussi, jusque dans les desserts du midi: croustillant de fruits mûrs, marmelade de raisins verts citronnée et nage de fruits aux parfums de gingembre, sorbet à la coriandre. La seule évocation de ces deux bijoux voile mes yeux d’une légère brume. Afin de pouvoir finir cette chronique chargée d’émotions, j’embrayerai rapidement sur les desserts du soir, nettement moins réussis et qui tendent à prouver, une fois de plus, que de très bonnes cuisines ne sortent pas systématiquement des pâtisseries transcendantes. Ici, le soufflé d’inspiration, chutney épicé, sorbet subtil vanillé était essoufflé et peu inspiré, tandis que le sorbet vanillé était tout sauf subtil. Quant au crumble exotique (ananas, mangue, papaye), cardamome, hormis une douleur lancinante et persistante au niveau des gencives causée par le bloc qui tenait lieu de crumble, rien de particulièrement mémorable ne m’en est resté.

Ces derniers petits faux pas ne devraient pas empêcher ces jeunes toques douées de poursuivre leur excellent travail, tout le reste étant fort agréable. On sent qu’ils ont un potentiel très supérieur à la moyenne et qu’ils sont passés par de très bonnes cuisines avant celle-ci. Comme ils travaillent sous la bienveillante houlette d’une propriétaire éclairée, on sait qu’ils disposeront de tous les éléments nécessaires pour faire de mieux en mieux et établir cette table comme l’une des très bonnes de Montréal.

Le G
2050, rue Mansfield
(514) 849-2050
Ouvert du lundi au vendredi pour le déjeuner, du lundi au samedi pour le souper et sept jours sur sept pour le petit-déjeuner. À midi, comptez une vingtaine de dollars par personne avant boissons, taxes et service. Le soir, si vous êtes sensible à la sérénité de l’endroit et que vous vous trouvez en bonne compagnie, préparez votre tirelire.