Restos / Bars

Au 5e péché : Nouveau lieu de perdition

Le premier péché sera de pousser la porte. Vous passerez avenue du Mont-Royal, verrez de la lumière, lirez le menu affiché à côté de la porte, constaterez la jolie ambiance qui règne à l’intérieur, et crac! Ça en sera fait de vous.

Après, vous en commettrez au moins trois autres: un au moment de l’entrée (coquettement appelée ici "Le baptême"), un deuxième pour le plat principal et un troisième au dessert. Dans ce dernier cas, les âmes les plus noires risquent même de trébucher à répétition tant les tentations seront grandes.

Ayant moi-même un solide dossier de candidature à la béatification, je suis passé visiter, en compagnie de quelques mécréants, gastronomes et gourmands impénitents, Catherine Pineur, dynamique auteure belge, récipiendaire du dernier Prix Québec/Wallonie-Bruxelles pour son livre pour enfants Plouf, plouf! Achille hésite et de passage chez nous pour le Salon du livre et Jean-Pierre, électron libre de la coiffure qui délire sur les belles têtes de Montréal dans son "minuscropique" salon Volume de la rue Duluth.

Le grand responsable de votre abdication s’appelle Benoît Langlet, un tout petit chef, issu d’une obscure tribu gauloise du nord de la Gaule. Un sourire franc, l’air de rien et de tout en même temps; surtout l’air de celui qui veut que vous sortiez de sa table en vous demandant: "Comment ça se peut que je n’aie pas vu arriver ce feu d’artifice-là ?". Un vrai bon chef.

Côté entrées, il y a bien sûr des choses intéressantes dans sa carte. Ce petit mesclun et endives, pommes, cœurs de céleri et bleu bénédictin, par exemple. Catherine semblait en transe. Outre ses talents artistiques, elle est – belgitude oblige – une experte ès endives, reconnue internationalement. Sous la table, son petit pied fourchu tapotait en cadence. Ou cette fricassée de petits calmars, tendres au cœur et croustillants, car braisés avec tact par le chef. Deux ou trois tomates confites et une vinaigrette pleine de parfums de citronnelle, de gingembre, une touche de vinaigre balsamique, quelques traces de tabasco et de sauce soya.

Les cornes de Jean-Pierre frémirent longtemps après qu’il eût fini sa longe de porc fumé sur planche de cèdre, grelots et racines glacées au miel de romarin. Par principe, il critiqua ceci et contesta cela, mais l’assiette – une belle ardoise et une planchette de cèdre – fut nettoyée avec beaucoup de sérieux. La viande est incroyablement tendre, cuite avec un réel discernement, pleine de senteurs boisées et ce miel de romarin laisse pantois tant y sont concentrées des saveurs inattendues. Petites carottes et grelots grelottent de contentement de se trouver là.

De mon côté, le méchant petit Jean-Philippe sur mon épaule gauche jubilait à la commande de ce ris de veau poêlé, demi-glace, pleurotes, purée de pommes de terre à l’huile de truffe. Sans doute en savait-il toute la subtilité et la puissance: subtilité dans le délicat équilibre créé par ces pleurotes et ces girolles sur lesquels était déposé le ris; puissance dans cette soyeuse purée de pommes de terre travaillée au beurre et à la crème et dans laquelle flottait une subtile odeur de truffes. Diaboliquement efficace.

Impossible de résister à la barre de chocolat au piment d’Espelette. Un élégant lingot de chocolat noir relevé de piment et accompagné d’un adorable granité de basilic. J’en ai encore les larmes aux yeux. Pas que j’ai trop péché, mais plus parce que la raison m’imposait de m’en tenir là.

De l’autre côté de la table, madame et monsieur Cochonou se vautraient dans un parfait glacé aux marrons, caramel de pin qui exigera plusieurs Notre Père et d’innombrables Je vous salue Marie pour vous éviter la maison Belzébuth.

À midi, un petit potage de patates douces et de carottes, un beau jarret d’agneau braisé, accompagné de chou rouge et de pommes de terre grelots, et un pudding au pain à la cerise de terre, caramel fondant et quelques noix de pin. Le tout pour 15 $. On croit rêver. Surtout dans ce coin de la ville où la qualité de la grande majorité des tables est à pleurer. J’ai remercié à l’avance de votre part le jeune chef et les jeunes proprios de ce 5e péché. En sortant, une odeur de souffre passa le pas de la porte. Tout le monde était… aux anges. Les extrêmes finissant toujours pas se rejoindre. Surtout à table.

Au 5e péché
330, avenue du Mont-Royal Ouest
(514) 286-0123

Ouvert du mardi au samedi dès 17 h et à midi du mardi au vendredi. En soirée, comptez une quarantaine de dollars par personne, avant boissons, taxes et service. À midi, repas très raisonnables – lire: excellent rapport qualité-prix – pour une petite quinzaine; à ces prix-là, on comprend pourquoi de plus en plus de pécheurs et de pécheresses viennent pécher ici. Carte des vins un cran au-dessous de ce que la qualité des mets commanderait. Service d’une agréable gentillesse.

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Le Guide Restos Voir 2006 est né!

10 ans! Une décennie de restaurants visités pour vous, des milliers de plats goûtés, évalués, notés, des kilomètres de réservations faites sous des noms d’emprunt, des heures et des heures passées à table. Et, dix ans plus tard, toujours le même plaisir à dénicher la petite adresse qui fera votre bonheur, à trouver le jeune chef qui deviendra la prochaine étoile toquée, à suivre l’évolution de ces belles tables qui sont les grandes tables de chez nous.

Cette dixième édition du Guide Restos Voir s’inscrit parfaitement dans cette tradition de toujours mieux faire qui lui a permis de devenir l’outil de référence des gastronomes. À Québec ou Ottawa-Gatineau, des Îles de la Madeleine au voisin ontarien, du Saguenay-Lac-Saint-Jean à la Montérégie et, bien entendu, dans la métropole, l’équipe de critiques du Guide traque les bonnes adresses pour vous aider à passer de bons moments à table.

Avec 850 maisons recensées, évaluées et commentées, le Guide Restos Voir 2006 constitue un précieux compagnon qui accompagne vos sorties et vous aide à planifier vos expériences culinaires au mieux. Beaucoup de nouvelles adresses, un peu partout au Québec, et des nouveautés aussi dans la présentation, précisions au niveau des prix et logos signalant clairement ces nouvelles adresses et les maisons qui ont substantiellement amélioré leur cuisine par rapport à l’année précédente.

Grande nouveauté cette année, l’édition en ligne du Guide Restos Voir 2006 (www.voir.ca/guiderestos) dévoilera tout au long de l’année des critiques qui paraîtront dans le Guide 2007, auxquelles les abonnés auront donc accès en grande primeur. Les internautes pourront également faire leurs propres critiques et attribuer des cotes personnelles d’évaluation. Comme par le passé, l’abonnement au Guide virtuel est gratuit à l’achat de la version papier et inversement.

Et, parce qu’un repas sans bons vins ne serait pas un bon repas, en collaboration avec la Société des alcools du Québec, le Guide Restos Voir 2006 souligne le travail remarquable effectué par une dizaine de maisons qui font notre paysage gastronomique.

Cette année encore, votre Guide Restos Voir constitue un outil de sélection encore plus fiable et, nous le souhaitons, encore plus agréable à utiliser.

Bonne lecture et bon appétit!

Jean-Philippe Tastet
et l’équipe du Guide Restos Voir