Pour le critique de restaurant, les fast-foods représentent la dernière frontière, pour ne pas dire un tabou (pas nécessairement alimentaire). Pensez donc: pas de service à scruter à la loupe, pas de carte des vins à examiner au compte-gouttes et, en général, pas de décor à apprécier ou à détester. Pourtant, ces établissements, adaptés à notre budget et à notre mode de vie, genre course de Formule 1, font désormais partie intégrante de notre quotidien.
Je vous en propose deux qui ont l’avantage de la différence. Presque voisins sur le chemin Queen-Mary, dans Snowdon, Chez Benny et Jérusalem proposent une restauration minute à la mode israélienne. Ces gens-là, je vous jure, font des merveilles avec l’aubergine et l’humble pois chiche. Même si les comparaisons avec des spécialités libanaises désormais archiconnues sont inévitables, voisinage méditerranéen oblige, cette cuisine savoureuse vaut assurément qu’on s’y attarde.
Chez Benny
Chez Benny occupe un grand espace plutôt anonyme, où la décoration se résume à de grands miroirs posés sur les murs, ce qui n’empêche pas les habitués de s’y presser en rangs serrés. Évitez d’avoir l’air fou comme votre serviteur en attendant devant le comptoir, la mine penaude, qu’on daigne s’occuper de vous. Il faut commander à la caisse, payer et attendre patiemment son repas, car la préparation de cette restauration minute, selon ce que vous aurez choisi, en exige en réalité quelques-unes, ce qui, franchement, est plutôt rassurant.
Au menu, outre quelques poncifs nord-américains (lire: hamburgers et frites), des sandwichs composés à partir des délicieuses grillades dont la maison se fait une spécialité. On vous les habille des salades de votre choix, lesquelles, comme par hasard, sont tout aussi savoureuses. Résultat? Vous avez deviné: des sandwichs nettement au-dessus de la moyenne, qu’on décline en trois formats: pita (à la pâte moelleuse, absolument délicieux), laffa (ou lafa), sorte de pita géant idéal pour le partage, et baguette.
Détail amusant, on vous propose aussi quelques plats chinois, un tantinet américanisés. Un midi, j’ai goûté pour vous le bœuf croustillant au sésame, accompagné de légumes: sans être franchement mauvais, le plat m’a fait regretter les salades et les sandwichs que les autres clients me faisaient passer sous le nez. Mais vous en connaissez beaucoup, des endroits où on peut manger du chinois kascher?
À souligner, la qualité des falafels, servis bien chauds sur un lit de hoummos arrosé d’une sauce au tahini (pâte de sésame). Seule déception, le poulet shish taouk, un peu sec, et la salade israélienne, mélange de dés de tomates et de concombre, qui, ce soir-là, manquait singulièrement de tonus, à cause sans nul doute des anémiques tomates de novembre, mais aussi d’un manque criant de sel.
Jérusalem
Le restaurant Jérusalem exploite le même créneau que le premier, en plus petit, d’où l’analogie un peu boiteuse suggérée par mon titre (même si, dans le cas qui nous occupe, David et Goliath font plutôt match nul): un comptoir où vous passez votre commande. Libre à vous d’emporter votre butin ou de le consommer sur les lieux, où l’ambiance, il faut bien l’avouer, est réduite au minimum. Côté sandwichs, même formule, mêmes formats, même réussite. Soulignons tout de même la qualité des frites que nous avons prises en accompagnement. Pour une fois, elles valaient amplement leur pesant de calories et de matières grasses.
Je m’en voudrais surtout de passer sous silence un divin baba ganouch, purée d’aubergine à la texture moelleuse et au goût fumé prononcé, qui force l’admiration du cuisinier amateur que je suis, et une salade turque (témoignage du carrefour d’influences qu’est le Moyen-Orient) tout à fait honorable. Là aussi, les falafels, plus petits que ceux dont on a l’habitude, valent le détour: extérieurs croustillants, intérieurs fondants. De quoi éveiller la fibre… végétarienne, au milieu d’arômes de viande grillée. Il faut le faire.
Bref, on trouve là, chez le grand comme chez le petit, à quelques encablures de l’oratoire Saint-Joseph, un petit coin de Jérusalem où on mange agréablement et sainement, sans se ruiner, et où l’hébreu, l’anglais et le français se côtoient dans une harmonie qui, franchement, fait plaisir à voir.
Dans un cas comme dans l’autre, comptez une trentaine de dollars pour deux, avant les taxes, le pourboire et les boissons. Comme les portions sont généreuses, vous pouvez vous en tirer à moins, en particulier le midi. N’hésitez surtout pas à emmener vos enfants.
Restaurant Jérusalem
4999, chemin Queen-Mary
514 313-8004
Chez Benny
5071, chemin Queen-Mary
514 735-1836
www.chezbenny.com