Méconnue, la cuisine coréenne? Peut-être plus tant que ça. Qu’on en juge par le nom du resto de cette semaine, sur le modèle de toutes les "maisons" qui ont fait notre éducation gastronomique, du spaghetti au "egg roll" en passant par le "smoked meat". La présence de la Maison du Bulgogi, rue Sainte-Catherine, montre bien que les temps changent. Je m’attends à m’attabler bientôt chez Bulgogi Dépôt ou même, pendant qu’on y est, à la Bulgogirie.
Méfiez-vous d’ailleurs de la cuisine coréenne: elle crée une accoutumance. Les piments, peut-être? Difficile à dire. Au bout d’une semaine sans le bi bim bap de la Maison de Séoul ou le poulet barbecue à la sauce piquante de Hwang Kum, établissements répertoriés dans le Guide Voir, je me trouve en manque. Même que les spécialités susmentionnées ont en quelque sorte remplacé la soupe tonkinoise dans mon panthéon personnel des plats doudounes.
Le cadre, dans ce cas-ci, est plutôt glauque. La salle, plus grande qu’il n’y paraît de l’extérieur, baigne dans un éclairage qui rappelle un peu celui des aquariums, sans doute à cause de la couleur des murs, d’un vert salle d’opération. En dépit de quelques touches de bois clair au plafond et de la peinture murale près de l’entrée, le gourmand se rend vite compte qu’on fréquente cet endroit, à mi-chemin entre le resto-minute et la cafétéria, uniquement pour se sustenter. Et c’est ce que faisaient gaiement, le soir de notre visite, les nombreux convives d’origine coréenne, venus là en groupe ou en famille.
Chez les Coréens, on a tendance à tout apporter d’un seul coup. Correcte, la soupe au miso (offerte avec plusieurs plats) arrive en même temps que le riz qui accompagne deux des plats principaux. Suivent les entrées, puis les plats principaux, avec un léger décalage. C’est ainsi. On aurait tort de maugréer sur la qualité du service, au demeurant acceptable.
Par souci de clarté, prenons les choses dans l’ordre habituel. Les Mul Man Du (je m’excuse auprès des puristes d’éventuelles fautes d’orthographe) sont des beignets fourrés à la viande qui rappellent les gyozas japonais. Nous les avons choisis cuits à la vapeur (on vous les propose aussi passés à la grande friture), et nous l’avons regretté. Mal égouttées, les ravioles accusaient un surplus d’eau, d’où une texture plus ou moins agréable et un goût dilué. Elles s’accompagnent d’une trempette toute simple, où on reconnaît le parfum caractéristique du vinaigre noir. Les Dubu Tuegim (de gros blocs de tofu frits) sont beaucoup mieux réussis: l’intérieur fondant et moelleux fait merveille avec la sauce genre teriyaki dont on a badigeonné l’extérieur. Ça ne paie pas de mine, mais c’est fort bon.
Même remarque pour les calamars sautés. Vous n’en feriez pas la couverture de votre livre de recettes aux photos léchées; en revanche, vous n’en ferez qu’une bouchée. Servis avec quelques légumes, les mollusques, à la fois fermes et tendres, font trempette dans une sauce courte et pimentée. Antidote rêvé à une froide soirée d’hiver.
Quant au plat éponyme, c’est-à-dire le bulgogi, des languettes de boeuf marinées et grillées, on en propose une version passable. Vous pouvez les faire cuire à votre table, sur un sympathique petit gril ou, si vous êtes paresseux, comme nous, laisser la cuisine s’en charger. C’est très accessible, même pour les enfants.
Autre grand classique, le bi bim bab, du riz accompagné de légumes variés, d’algues et d’un peu de boeuf grillé. On vous le sert dans un dolsot, un plat en pierre qui garde les aliments au chaud et fait croûter le riz. On mélange le tout, y compris l’oeuf cru qu’on a posé sur la préparation, on arrose d’une délicieuse sauce aux piments et on déguste. Vous pouvez aussi remplacer le boeuf et l’oeuf par de l’anguille grillée. Verdict? On en a mangé de meilleurs, mais le plat demeure sain et savoureux.
Pour accompagner ces spécialités robustes et relevées, vous pouvez choisir une bière ou encore vous contenter de thé. C’est, dit-on, le plus sûr moyen d’éteindre le feu.
"Et côté douceurs?", demandons-nous, en bonnes bibittes à sucre nord-américaines. "Rien du tout", répond la serveuse d’un air indéchiffrable. Sauf, bien sûr, les menthes qui accompagnent l’addition.
Bémol: Ambiance et décor réduits à la plus simple expression.
Dièse: Initiation à petits prix à la cuisine coréenne.
À midi, vous vous en tirerez pour environ 15 $ à deux, avant les boissons et le pourboire; le soir, doublez.
2127, rue Sainte-Catherine Ouest
514 935-9820