Restos / Bars

Da Noi : Petit cochon et Grosse tirelire – Première partie

Grosse tirelire aime le charme suranné des carrés Hermès, les pulls en cachemire et les sièges moelleux en cuir des grosses berlines allemandes. Petit cochon est plus "confort-avant-tout", Cowboys fringants et défi vélo 365 jours par an dans les rues de Montréal. Côté gastronomie, la première estime que la glace à l’azote de Ferran Adrià est le nec plus ultra; pour le second, le bonheur réside davantage dans une belle soupe au chou, une terrine de canard et un verre de bourgogne rouge entre amis. Ils s’aiment aussi, forts sans doute de leurs extravagantes différences. Et aiment partager leurs trouvailles. En voici une, la deuxième suit, la semaine prochaine.

Première sortie donc sous la gouverne de monsieur Cochonou, un midi ensoleillé de janvier dans le quartier italien. "As-tu hérité, mon goret adoré, d’ainsi vouloir te ruiner dans un établissement de ce quartier jadis populaire et aujourd’hui sur-embourgeoisé?" "Que nenni, ma mie, je veux juste te montrer que l’on peut bien manger sans se saigner, et ce, même au royaume de la Lamborghini."

Da Noi se trouve au coin des rues St-Dominique et Bélanger. À quelques pas de là, le Marché Jean-Talon fourmille et au coin de Saint-Laurent, Milano appelle le client, qui en sort toujours avec quelque chose. Da Noi n’est même pas un restaurant, Gianpiero, le propriétaire, garçon, maître d’hôtel, DJ, MC de l’endroit, l’appelle d’ailleurs Caffé trattoria. On appelle ça de l’honnêteté. Surtout dans ce quartier aux tendances un peu coupe-gorge quand on parle des plaisirs de la table. Une trentaine de places, des napperons en papier, quelques bouteilles de rouge italien que l’on peut déguster au verre pour une ou deux piécettes, une grosse machine à espresso et une porte de garage qu’aux beaux jours on remonte pour profiter davantage du soleil. L’ambiance est celle, pastas et autres élémentaires bonheurs alimentaires relax, des petites tables italiennes populaires.

Dans les assiettes, on trouve ici l’essentiel de ce qui, très souvent, fait un repas réussi: la simplicité. Le menu est écrit à la main sur une petite feuille blanche. Moins d’une dizaine de plats et pourtant, il y a tout ce qu’il faut pour voyager, de la soupe au biscotti en passant par la lasagne aux aubergines et les cailles au vin blanc. Derrière le comptoir, monsieur Gino, le chef, prépare ses plats en chantonnant. Un chef qui chantonne, ça a quelque chose de rassurant.

Ce midi-là, petit budget oblige, un osso buco et un plat de pâtes à la saucisse. En fermant les yeux, le nez au-dessus des assiettes, on pourrait se croire dans une de ces petites maisons sans prétention d’un quartier populaire de Milan ou de Naples. Les assiettes de pâtes sont généreuses et la cuisson al dente est de rigueur, sans que le client ait besoin de dire quoi que ce soit. Sauces tomatées, pointe d’ail, huile d’olive et fromage. La viande est goûteuse et les belles tranches de saucisses, à peine relevées.

Tout ce qui importe est là: couleurs, odeurs, saveurs, ailleurs, bonheur. Cette simplicité finit par ragaillardir. Les rouelles de veau sont peut-être un peu succinctes, mais le plat est suffisamment généreux pour rassasier. Une chaudrée de penne, salsiccia e rapini, petite sauce tomate, pointe d’ail, huile d’olive et un nuage de fromage, l’autre assiette est aussi réconfortante que la première.

Deux espressos, dignes d’un film de Fellini, un ou deux biscottis et le tour est joué. Quand il a fini de préparer votre repas, le chef mange la pasta fagioli qui reste et prend son café dans un verre dans sa cuisine. Comme autrefois à la maison.

De retour dans la rue, Petit cochon est aux anges. Pour une petite trentaine de dollars, il vient de se payer le plaisir de voir Grosse tirelire sourire de contentement en rajustant à la taille le drapé de son hallucinant chemisier Nara Camicie.

Caffé trattoria Da Noi
6896, rue St-Dominique
514 270-6296

Ouvert de midi à 18h, du lundi au samedi. Préparez une petite trentaine de dollars pour deux personnes avant boissons, taxes et pourboire. Vous comprenez pourquoi il s’appelle Petit cochon. Économisez, la semaine prochaine, c’est le tour de sa moitié et ça ne tourne pas exactement dans les mêmes chiffres.