Anciennement boulangerie-pâtisserie, la maison de briques rouges fut un moment sans locataire. Et puis le bruit a couru qu’on avait des projets de resto végétarien… Préjugés sur la ligne de front, on se demandait si luzerne et tofu sauraient attirer la foule bigarrée qui envahit le quartier, midi et soir. C’était se méprendre sur le rêve que caressait Lucie Maisonneuve. Végétarienne de toujours, elle s’est embarquée dans l’aventure de la fine cuisine épaulée de son mari, Christian Pressburger, lui-même chef déjà bien implanté dans le coin, à l’Argoät voisine.
On a d’abord créé un décor tout à l’opposé des cafés grano: sobriété et élégance. L’espace restreint est superbement mis en valeur: murs vert sauge, planchers et boiseries sombres, nappes blanches, magnifiques assiettes disparates – signe d’une collectionneuse compulsive qui a bon oeil! Et Lucie de confier: "J’ai tout fait ici: décor, menus… même le serveur!" C’est donc fiston qui nous sert, professionnel, sympathique, connaissant sur le bout des doigts les recettes de maman. Ses recommandations sont éclairantes et justes, autant pour les plats que pour les vins de la courte liste. Si le menu est strictement végétarien le midi, on élargit avec poissons et fruits de mer en soirée. À notre grand bonheur, avouons-le!
En entrée, une soupe de lentilles, lait de coco et épices est copieuse, étonnante avec son grand bâton de cannelle qui y flotte et la parfume; un trait de sel, et c’est la joie. La salade d’algues japonaises réjouit Marc-André: algues fines, croquantes et d’un vert franc, colorées de quelques légumes en julienne et relevées d’une vinaigrette à l’huile de noix. C’est frais et à des lieues du nori toujours un brin poissonneux. Un thon au lait de coco et coriandre me laisse tiède… comme l’assiette. La présentation est irréprochable, les gros cubes de poisson ont le coeur tendre et bien rouge, mais la sauce hésite entre le chaud et le froid et la coriandre se fait timide. Plus heureux, Patrick engouffre des baluchons d’escargots au bleu: pâte fine et légère, escargots dodus et fondants, fromage bien dosé.
Rex poursuit avec une salade tiède de pétoncles et pamplemousse: gros pétoncles cuits à la perfection sur un lit de mesclun décoré de quartiers de pamplemousse pelés à vif et d’avocat. De belles crevettes se vautrent sur une salade de nouilles de riz japonaises un peu fermes et dont le poivré de la roquette est presque absent: mitigé, donc. Les gâteaux de crabe se distinguent de l’habituel: ils sont servis froids! Plus près d’une mousse donc, ils regorgent de chair de crabe savoureuse un peu éclipsée par les oignons verts et sont nappés d’une sauce tartare au yogourt; une salade complète ce plat léger. Enfin, le filet de tilapia au citron est divin: cuisson impeccable et saveur fine, servi avec légumes et couscous décoré de crevettes à l’ail. Un succès.
Trop gourmands pour nous arrêter là, nous partageons un moelleux au chocolat au coeur malheureusement trop coulant et une charlotte à l’érable généreuse, fraîche et bien parfumée.
Bref, s’il reste encore des petits ajustements à faire en cuisine, l’ensemble est heureux et prometteur. Et si nous avons été timides devant les plats végétariens – il y a des soirs comme ça -, les échos que nous en avons eus sont élogieux. Une soixantaine de dollars pour deux, avant vin, taxes et pourboire.
Fleur de sel
59, rue Laval
Gatineau (secteur Hull)
Tél.: (819) 772-8596