Vous êtes revenu de tout, blasé, désabusé par des propositions gastronomiques au fond interchangeables? Même l’effet de surprise de la cuisine fusion, à mon avis l’une des grandes innovations des dernières années, s’est un peu émoussé? Là réside justement l’intérêt d’une petite maison comme le Bistro le Thé au Logis, fondée sur le mariage peu conventionnel et encore moins banal des cuisines coréenne et française.
Le métissage ne s’arrête d’ailleurs pas là: le restaurant fait aussi office de salon de thé et de galerie d’art. On y sert même des sushis, c’est dire… Vous vous dites peut-être: belle excuse pour faire n’importe quoi. Non, justement.
Au bas de quelques marches, on découvre un local de taille moyenne, plutôt anonyme. Frappent d’emblée, outre le piano droit, les murs tapissés d’oeuvres d’art, en provenance d’Asie et surtout de Corée. À noter aussi, une agréable musique d’accompagnement aux accents jazz.
Au menu, quelques classiques de la cuisine coréenne, des plats d’inspiration japonaise ou européenne, et même des pâtes, dont, croyez-le ou non, des spaghettis sauce bolognaise. Le tout offert à des prix plutôt raisonnables. Nous sommes, rappelons-le, rue Crescent (en bas, d’accord, mais tout de même). En soirée, une modeste majoration du plat principal (2 $) donne droit à une soupe ou à une salade.
Nous avons ainsi goûté une soupe aigre-piquante (tiens, c’est vrai, j’avais oublié la Chine, un détail), servie dans un bol creux à l’occidentale. C’est une version assagie, sans excès de vinaigre ni de piments, et pourtant agréable et savoureuse. Bref, une belle interprétation d’un classique. Même remarque pour la soupe aux fruits de mer: d’inspiration peut-être thaïe (autre oubli, toutes mes excuses), elle est goûteuse, bien que soient absentes les saveurs si caractéristiques du galangal et de la citronnelle, par exemple. Surtout, on y trouve, en plus de crevettes, des morceaux de vrai crabe. La salade mélangée est servie avec une agréable vinaigrette au goût bien vif.
On se méfie des pâtes, si faciles à gâcher. Non, pourtant. Dans ce cas-ci, les spaghettis qu’on a gentiment accepté de substituer aux pennes, caressées par un soupçon de crème et le parfum du thym, étaient accompagnées de morceaux de poulet bien tendres, de lamelles de champignons et d’un peu d’oignon. Le saumon aux épices, servi comme promis, c’est-à-dire moelleux à souhait, baignait dans une sauce très colorée, où se reconnaissait le goût du saké. On avait posé dessus quelques légumes bien croquants. En accompagnement, un riz vapeur de belle facture, saupoudré de graines de sésame rôties et aromatisées, nous a-t-il semblé, à l’huile de sésame, de même que des rondelles de carottes et du chou marinés. Bref, un beau plat bien fait, au même titre que l’agneau à la crème de coco (garni de la même façon), des lamelles de viande tendres et bien parées ainsi que des légumes croquants servis dans une sauce à la noix de coco ni trop riche ni trop sucrée. Bel exemple d’équilibre et de retenue.
On pourrait en toute bonne conscience s’arrêter là, mais difficile pour une enfant de résister aux mots "mousse au chocolat". (Là, on est à des années-lumière de la Corée.) En l’occurrence, il s’agit d’un gâteau mousse, servi sans apprêts. Il n’est pas maison, mais il est bien fait et surtout très frais.
La carte des vins a été conçue à l’intention des pauvres contribuables que nous sommes et non de richissimes propriétaires, que, du reste, on imagine soupant ailleurs: de 24 à 42 $ la bouteille. Et on propose des vins de table au verre. Dans l’hypothèse où vous ne choisirez pas de vous en tenir à un délicieux thé vert, servi dans de jolies tasses et dans les règles de l’art. Les thés aromatiques de spécialité, décrits comme de bons vins, méritent sans doute d’être dégustés tout seuls. Le samedi soir, vous mangerez au son d’un ensemble de jazz. De quoi s’envoyer au septième ciel, d’où peut-être le nom du resto. Divin? Peut-être pas. Mais le divin thé (pendant masculin de la divinité?) est au rendez-vous.
Bémol: le local en demi-sous-sol fait un peu caverneux, inconvénient que rachète en partie l’éclairage des oeuvres exposées.
Dièse: une proposition originale, une cuisine métissée, sans prétention et savoureuse.
Comptez environ 30 $ pour deux à midi et 40 $ le soir pour la formule incluant la soupe ou la salade, avant les taxes, le pourboire et les boissons.
1175A, rue Crescent
514 866-0689