Restos / Bars

Bazz Java Jazz : Le jazz et la java

En raison du nom, sans doute, on attendait une grosse boîte ultramoderne, tout en chrome et en inox, vachement design. Surprise!

On a plutôt affaire à une sympathique vieille maison respirant le confort bourgeois bien plus que les excès des adresses branchées. Le décor est joli, sobre et de bon goût, sans ostentation. De belles affiches décorent les murs, ce qui nous a même valu, à ma compagne et à moi, de souper en tête-à-tête avec Marilyn.

Bazz Jazz Java (vaste programme, comme dirait l’autre) s’inscrit dans le courant actuel des restaurants "apportez votre vin" aux visées ouvertement gastronomiques et, précisons-le d’emblée, aux prix en conséquence. Il y a loin du bistro sympa où des amis font bombance après être passés au dépanneur acheter le premier pinard du bord. C’est l’occasion de sortir des boules à mites (façon de parler, bien entendu) la petite bouteille qu’on conservait pour une occasion spéciale. En panne d’inspiration? Dans son site Web, le resto pousse l’amabilité jusqu’à vous suggérer quelques vins se mariant bien avec les plats proposés.

Et quels plats! En entrée, nous avons goûté un gâteau de lentilles corail, sauce au yogourt de chèvre, sur lit de roquette, tomates confites et manchego. Ouf. Il s’agissait en l’occurrence d’une amusante et goûteuse variation sur le thème du dhal à l’indienne. La purée de lentilles, façonnée en boule, était frite et le yogourt faisait en quelque sorte office de raita. Astucieux et original. En face, une crevette géante, cuite correctement, ce qui n’est pas gagné d’avance, trônait majestueusement sur une rondelle de papaye. Cette jolie assiette, tout en fraîcheur, était égayée de lamelles de concombre et de tranches de mangue et de pomme verte. Pour relever le tout, le chef avait préparé une petite salsa de fruits épicée.

On nous a ensuite servi un potage de pommes de terre bleues au fromage. Proposition robuste, cette fois, qu’écrasait peut-être un peu le fromage au goût très salé. Signe du sérieux de la maison, le pain, qu’on proposait ce soir-là avec un beurre nature et un beurre fouetté à l’érable et à la badiane, était franchement délicieux. Renseignements pris, il vient de la réputée boulangerie L’amour du pain de Boucherville. Carrément irrésistible.

Le magret de canard, viande capricieuse et d’ailleurs souvent ratée, était ici raisonnablement tendre et mis en valeur par une sauce légère et délicate au vin doux et au pamplemousse. L’assiette était fort judicieusement garnie: purée de courge musquée à l’ail rôti (parfum plutôt discret, dans ce cas-ci), bok choy miniatures, carottes et pois dits "Sugar snap".

En face, un plat au moins aussi réussi: des médaillons de brebis, sauce à la bière noire et au miel, servis avec des racines au beurre de noisette. Les tranches de brebis (viande qui fait timidement son apparition dans les restos) étaient fondantes à souhait et la sauce, une fois de plus légère et subtile, mettait en valeur son goût étonnamment prononcé, rappelant un peu celui du gibier. Ce produit d’exception était accompagné de carottes et de panais, modestes légumes qu’on avait fait confire au beurre. Détail curieux, certains étaient restés un peu trop croquants.

Pour conclure, un gâteau fondant au chocolat honorable, bien coulant, mais, curieusement, pas tout à fait assez sucré à mon goût, signe, sans doute, que la qualité du chocolat n’est pas en cause. Le menu de découverte comprenait un biscuit sans farine glacé, c’est-à-dire un pavé de chocolat très dense, servi avec quelques abricots au thé et une boule de sorbet à la prune. À noter que ce menu vous donne droit au café de votre choix, ce qui nous change des restos qui, en table d’hôte, vous imposent le café filtre et vous surfacturent l’allongé. Parfois, on comprend, d’autres fois (quand les prix sont élevés, s’entend), on comprend moins.

Bref, de quoi célébrer en beauté ou simplement passer une agréable soirée. La bonne société de Saint-Lambert, qui, le soir de notre visite, occupait l’établissement à capacité, ne s’y trompe d’ailleurs pas.

Pour le grand jeu (entrée, potage ou salade, plat principal, dessert, café), comptez en gros 100 $ pour deux, avant les taxes et le service. Pour vous consoler, vous apportez votre vin.

Bémol: le site Internet, quoique fort attrayant (il a remporté un prix), est moins éclairant qu’on le souhaiterait. Les prix sont tout de même un peu jazzés.

Dièse: un décor chic, une cuisine soignée misant sur des produits nobles.

591, avenue Notre-Dame
Saint-Lambert 450 671-7222
www.bazzjavajazz.ca