Restos / Bars

Decca77 : Decca, dense

Version gastronomique helléno-montréalaise chic de la caverne d’Ali Baba.

On aurait tout aussi bien intitulé "Decca, danse" tant le séjour à table dans ce très chic restaurant du centre-ville ressemble à une soirée de réjouissances; [pep1]rave pour les uns, valse de soirée de gala pour les autres, tango torride pour d’autres encore; dans l’assiette, bien entendu, le reste relevant du domaine de la vie privée.

"Dense" ici est à prendre avec le sourire et dans son sens le plus joyeux. Pas nécessairement pour la lourdeur du "Restaurant, bar, lounge" claironné, mais plutôt pour l’intensité de l’équipe "Bergeron, Colladon, Dupuis", respectivement Darren, Romuald et Éric, qui officie en cuisine.

Ils forment le premier trio de l’équipe et, même si vos patins sont bien aiguisés, vous en feront voir de toutes les couleurs du début à la fin du repas. Au cours de mon dernier match aller-retour contre eux, seul l’esprit de Cristobal et une foi indestructible dans l’avenir de la sainte fourchette, m’ont permis de finir dans la dignité.

Réglons la question des coûts avant tout; si l’addition du repas du soir part facilement en spirale ascendante, un déjeuner pour 25 dollars est une très belle affaire. Compte tenu de la qualité de la cuisine, des produits et de l’ensemble de la prestation, on peut même considérer que c’est une des très bonnes affaires du centre-ville.

Impeccable lait de cresson, mousseux, parfumé, "cressonesque" à son meilleur. Quelques petits gris vivent un moment d’intimité chaleureuse avec des éclats de speck (sorte de jambon fumé italien) croquant sous une légère douillet [pep2]d’huile de jambon cru. Ce seul plat suffirait à se faire une idée assez précise du bon goût des gens en cuisine. Équilibre, créativité, qualité technique.

Suprême de canard Pékin et joue de porc braisée, bok choï et champignons enoki au bouillon d’huile de colza. Si vous êtes un inconditionnel de la joue de porc braisée – un must chez les fins gourmets asiatiques – vous serez comblés. Sinon, vous vous rabattrez sur la perfection de la réalisation du plat. Fameuse histoire du verre à moitié plein. Comme en deux ou trois autres occasions ici, on comprend la riche recherche des chefs, sans toutefois y adhérer complètement. Et tout le monde n’est pas nécessairement ému par la joue de porc, braisée ou pas.

Trois petits desserts bien dosés et convenant parfaitement à un repas de midi pris entre deux rendez-vous ou au milieu d’une journée chargée. On admire par exemple l’exploit à rendre attrayant un truc potentiellement aussi insignifiant qu’une salade de fruits. Ça s’appelle ici Salade fruits à la lavande et coriandre, sorbet de pêche". Mêmes commentaires élogieux pour le Financier, prune caramélisée et coulis au chocolat ou pour la Tarte Tatin, crème légère au cheddar. Et, rappelez-vous, tout ceci pour seulement 25 dollars.

En soirée, le festival se poursuit et l’éblouissement se maintient. Par exemple, cette Royale de crustacés, gélifiée à la perfection, petit oeuf mollet, caviar de truite et mouillettes. Deux macarons dans le Guide Tastet des meilleurs plats en Nouvelle-France. Extase.

Qui se poursuit avec une jouissive morue charbonnière accompagnée de moules, coques et haricots coco au chorizo. Souplesse et profondeur, légèreté et ampleur. Du grand art.

Et qui se termine en apothéose avec l’un des desserts les plus jouissifs de la décennie, sorti du cerveau pervers du quatrième joyeux luron en cuisine, Rémy Couture, jeune chef-pâtissier promis à un bel avenir. Petit biscuit au café et chocolat sans farine, yogourt infusé au tabac et sorbet à la Guinness. Comme ça, vite, vite, ça n’a l’air de rien, mais une fois combinée aux deux autres, chaque explosion prend une ampleur phénoménale. Accord parfait de saveurs et à-propos étonnant de combinaisons osées.

Le décor est grandiose, tendance pompeux moderne; le service va, sans prévenir, de dilettante à attentionné et la facture est un peu salée pour la bourse moyenne. Toutefois, l’expérience gastronomique vécue ici mérite que l’on se déplace, Decca77 étant, avec ses quatre mousquetaires, l’une des très belles tables de notre bonne ville.

Decca77

1077, boulevard René-Lévesque Ouest

514 934-1077

Ouvert à midi du lundi au vendredi et en soirée du lundi au samedi. À midi comptez une cinquantaine de dollars pour deux personnes avant boissons, taxes et pourboire. Le soir, doublez. L’intensité croîtra proportionnellement, atteignant, pour certains plats, les plafonds stratosphériques de l’endroit. Service de voiturier gratuit en soirée. Les soirs de partie de hockey chez Bell Canada, soupers dès 17 h pour 35 $. Go Habs Go!