Restos / Bars

O’Bistro : O tempora! o mores!*

L’ouverture d’un nouveau resto, fût-ce un O’Bistro, sur la chic avenue Monkland, dans NDG, fait saliver les gourmets. À en juger par la fréquentation, environ deux mois après l’ouverture, la maison a déjà trouvé son public.

Pourtant, le pari n’est pas gagné d’avance. Au fil des ans, en effet, il en est passé des restos, dans ce local exigu, et l’on espère que cette fois-ci sera la bonne. La salle est décorée sobrement, dans des tons de café au lait et de chocolat (on se croirait déjà rendu au dessert), les murs ornés de belles photos. À noter aussi la façade tout en fenêtres, bordée d’une petite terrasse où s’alignent quelques tables.

La distinction entre "bistro" et "restaurant", jadis tranchée, se brouille de plus en plus, et on en a ici une illustration saisissante. Malgré son nom, la maison propose des tables bien dressées, avec nappe et serviettes en tissu, et nous fait grâce du beurre en barquette. Seuls font "bistro" les tables très rapprochées et quelques plats typiques, genre foie de veau au vinaigre de framboise.

Mon invitée a ouvert les festivités avec une tarte à l’oignon qui n’avait de classique que le nom. En fait, il s’agit d’une amusante déconstruction: un rond de pâte feuilletée, une généreuse tranche de fromage de chèvre, de l’oignon rôti, des morceaux de figue et, autour, quelques feuilles de salade nappées d’une vinaigrette au goût légèrement sucré. C’est charmant, pas compliqué et délicieux. En face, des arancini, soit deux belles boulettes de risotto passées à la grande friture. Fondantes à l’intérieur et croustillantes à l’extérieur, elles étaient servies sur des asperges légèrement grillées et notamment accompagnées d’un peu de pesto. À noter les tomates cerise que la cuisine se donne la peine de peler à vif, ce qui évite au client l’embarras de s’asperger de jus ou pis encore, d’arroser son vis-à-vis.

Un pavé de thon servi mi-cuit, comme il se doit, reposait sur des haricots verts bien croquants auxquels s’ajoutaient des dés de pommes et de céleri-rave. Quant à la sauce aux huîtres qui recouvrait le poisson – sorte de mousseline ayant un peu la texture du sabayon -, elle valait davantage pour sa texture que pour son goût, un peu effacé. Une belle assiette, légère et savoureuse. Nouvelle entrée en scène du risotto, agrémenté cette fois-ci de cerises fraîches. Il donne la réplique à un jarret de cerf servi avec son jus de cuisson. La viande braisée est tendre et succulente, sauf une partie, sèche et fibreuse, que rien sans doute n’aurait pu attendrir. Une petite tranche de fromage bleu, simplement posée sur la pièce de viande, n’ajoutait pas grand-chose. Disons que le résultat, dans ce cas, était moyen.

Idem pour le service. La patronne a beau avoir l’oeil à tout, il y a quelques irritants, sans doute excusables dans une jeune maison. Ainsi, le pot de cornichons qu’on apporte aux tables d’à côté, mais pas à la nôtre, sinon trop tard, la soupe du jour qu’on oublie de présenter, le plat supplémentaire qu’on omet d’annoncer. De quoi alimenter la paranoïa d’un chroniqueur… Parions que le tir sera vite rectifié.

Tiré d’une carte des desserts très courte (trois choix seulement), le fondant au chocolat est un agréable gâteau sans farine, servi à la température ambiante, contrairement à ce qu’on attendait, mais, franchement, on n’y perd pas au change. On l’accompagne en toute simplicité de quartiers d’orange et de framboises.

Le resto ouvre le midi, mais vers la fin de la semaine seulement, du moins pour le moment. On souhaiterait peut-être une formule "table d’hôte", question d’amortir la douloureuse. En attendant, on dégustera un amusant club sandwich au thon frais, accompagné de savoureuses frites maison ou, par exemple, le mahi-mahi grillé, simplement posé sur une salade.

La carte des vins, pour l’instant plutôt courte, fait le tour du monde en quelques lignes. À souligner, un choix correct de vins au verre.

Le tout dans le tout, l’avenue Monkland, dont l’embourgeoisement se poursuit au grand dam de certains, vient d’accoucher d’un petit dernier avec lequel il faudra compter.

* "Ô temps! Ô moeurs!", citation de Cicéron qui, paraît-il, n’habitait pas NDG.

À midi, comptez environ 40 $ pour deux, avant les boissons, les taxes et le pourboire; le soir, comptez au moins le double.

Bémol: le service a quelques ratés.

Dièse: une jolie petite salle, une cuisine sans chichis mais travaillée et bien faite.

5626, avenue Monkland
514 482-1471