Un peu fébrile, le personnel, en raison de cette affluence peu courante pour un établissement ouvert depuis peu. Des souvenirs de voyage décorent la salle de dimensions modestes, aux murs jaune clair: petits tableaux, masques, calendrier aztèque et, sur le pas de la cuisine, deux photographies, agrémentées d’idéogrammes, illustrant de vieilles théières marquées par le temps. Ici, de minuscules étagères; là, sur le bord d’une fenêtre, une mallette bourrée de revues de toutes provenances. Aucun brave n’a osé s’installer dehors, sur la terrasse. Le vent s’acharne donc sur sa seule victime – un chevalet qui se retrouve le plus souvent face contre terre et qu’un employé vient systématiquement remettre sur pied. J’avais eu le temps d’y lire "omelette à la basque" avant d’entrer. Je complète maintenant ma lecture sur une feuille volante: potage, poulet mariné au basilic, couscous, saumon aux câpres et citron vert… En attendant le permis d’alcool qui ne devrait pas tarder, on ne peut vous offrir à boire que du café, du thé, du jus, des boissons gazeuses ou de l’eau. Pour le moment, nous nous contenterons de cette dernière, mon amie et moi. Nous avons un peu bavardé avec le personnel, pour tenter de "comprendre" le resto, puis nous avons fait notre choix. En attendant qu’on nous serve, je consulte la carte – une feuille volante, elle aussi, qui devrait s’étoffer au fil des jours. Encore du couscous, certainement (végé, au poulet, aux merguez ou à l’agneau), des sous-marins, des boulettes de viande à la menthe, des briks au thon. Gigot d’agneau et brochettes de poulet font partie des spécialités à venir. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras: mon "tiens", en l’occurrence, est un bol fumant, plein presque à ras bord d’un potage crémeux et de bon goût qui fleure bon l’aneth – avec, à la base, vraisemblablement du bouillon de poulet. D’ailleurs, au hasard des cuillerées, on y pêche de minuscules morceaux de ce volatile. De leur côté, le serveur et la serveuse veillent au grain (sans jeu de mots), vérifiant auprès des clients que tout va bien, s’affairent… Cela se fait avec promptitude et précision. Ils s’arrêtent volontiers pour répondre à vos questions, vous rappeler que tout est fait maison, chaque jour, qu’on ne congèle rien et que "quand il n’y en a plus, il n’y en a plus". C’est d’ailleurs pour cette raison que je n’aurai pas, au moment du dessert, le flan au caramel dont j’ai vu une cliente se régaler pas loin de moi… Mais voilà nos plats de résistance. Mon amie accueille avec une véritable satisfaction sa salade de poulet mariné au basilic. Le chef, on peut le dire, ne badine pas avec les herbes et aromates. Son poulet a le goût de ce qu’il annonce, en plus d’être cuit juste à point et relevé d’une pointe d’acidité qui aiguise l’appétit. Quant à la garniture, elle est constituée d’endives, d’oeufs durs en quartiers, de tomates, de laitue et autres feuilles croquantes, mouillées d’une vinaigrette pas du tout agressive. Pour moi? Ce qui m’était tout de suite tombé dans l’oeil: le feuilleté à la basque, presque entouré d’une sauce rosée un peu acidulée. Il a l’aspect d’un koulibiac. J’en reçois un beau triangle qui laisse voir des oeufs durs (entiers), des morceaux de viande et le liant d’oeufs battus pris en omelette. En mangeant, on y trouvera aussi des flageolets. Quant à la viande, c’est de l’agneau, des morceaux plus ou moins gros et assez tendres. Ce feuilleté s’accompagne de taboulé, d’endives, de haricots verts (cuits dans un délicieux bouillon), de chou-fleur, d’une macédoine de légumes, sans oublier cette excellente petite salade de chou aux pommes et raisins (condimentée aux deux moutardes et au miel). À la fois appétissant et bourratif, ce feuilleté m’entretient un bout de temps dans l’indécision, mais je finis par déclarer forfait. Sans oser me l’avouer encore, je me réserve sans doute une petite place pour le flan au caramel… Alors, quand on m’apprend la triste nouvelle, je n’ai plus envie de rien. Seulement un café, tandis que mon amie préférera un thé à la menthe. Elle se laissera aussi tenter par la salade de fruits frais.
L’Aubergine
319, rue Saint-Paul, Québec
Téléphone: 418 692-5044
Menu du jour: 8,25 à 10,95 $
Plats principaux à partir de 7,95 $
Dîner pour deux (incluant taxes et service): 20,75 $