Restos / Bars

Aux Vivres : Aventure chez les végétaliens

Si le végétarisme constitue une destination exotique pour le carnivore invétéré ou même modéré, le végétalisme (soit, en gros, l’abstention de tout produit d’origine animale, y compris les oeufs et les laitages) est en quelque sorte une "terra incognita", la dernière frontière. À en juger par l’affluence, le soir de notre visite, ce ne sont pas les explorateurs – ou les initiés – qui manquent.

On entre dans une salle lumineuse, au décor épuré, que prolonge, à l’arrière, une fort agréable terrasse, décorée de fleurs suspendues et de vastes bacs où poussent des fines herbes. Seule ombre au tableau, à l’intérieur, l’effet d’écho, un peu assourdissant. La faune, au contraire des idées préconçues qu’on se fait parfois, ne se compose pas d’êtres exsangues et tristounets. Les clients comme les membres du personnel ont plutôt l’air pétants de santé. On se sent tout de suite en confiance.

Le menu se consulte un peu comme une carte au trésor. Heureusement, on a eu la bonne idée d’y inclure un glossaire à l’intention des néophytes. Autre motif de satisfaction, l’influence des cuisines du monde, de l’Asie au Moyen-Orient en passant par le Mexique, saute aux yeux.

En entrée, nous avons choisi une sorte de mezzé, sympathique assiette où cohabitaient la douceur d’un bon houmous, moins lisse que ceux dont on a l’habitude, le piquant d’une tapenade et le fondant de poivrons rouges bien charnus. Une petite salade accompagnée d’une délicate vinaigrette aux herbes complétait le tout. Curieux, nous avons aussi commandé le pain au maïs maison, dense et savoureux, agrémenté de morceaux de poivrons. Il aurait gagné à être servi moins froid. On l’apporte avec un beurre végétal, savante préparation à base d’huile. À noter aussi la qualité du pain au blé offert avec le repas.

On ne nous fait pas ici le coup du magret de tofu ni du foie gras de navet (j’exagère à peine), mais on propose la Poutine du samouraï, signe qu’on a de l’humour. De gros quartiers de pommes de terre cuits au four s’accompagnent de légumes verts cuits à la vapeur, de tempeh (une sorte de pain au soja à haute teneur en protéines). La sauce brune? La question, je le sens, vous brûle les lèvres. On la remplace avantageusement par une sauce au shiitake, au goût prononcé de champignon. C’est bien fait et, ma foi, satisfaisant (ce qui a fait dire à ma compagne, jamais à court d’analogies percutantes, qu’Aux Vivres est en quelque sorte l’anti-Pied de cochon).

Nous avons aussi goûté une pointe de pizza aux légumes grillés (qui auraient pu l’être plus), où le tempeh, émietté cette fois, jouait en quelque sorte le rôle du bacon ou de la viande hachée (je le mentionne pour fins de comparaison seulement) sur les pizzas qu’on connaît bien. Prestation en gros correcte qu’agrémentait un curieux et étonnamment goûteux fromage… à l’avoine. On vous la propose seule ou accompagnée d’une petite salade.

Égale satisfaction du côté du BLT, un sandwich où la noix de coco fumée côtoie les tomates et la mayonnaise (qu’on imagine montée autrement qu’à l’oeuf). Enfin, un chili, sin carne évidemment, était servi sur du riz brun avec un peu de guacamole. La préparation, où le chipotle (un piment au goût fumé) était bien présent, a de quoi confondre les sceptiques. Même le riz brun, que je trouve en général rébarbatif, était bon.

Pour accompagner votre repas, on vous offre un agréable thé aux herbes, auquel vous pouvez préférer une boisson plus "recherchée". La carte des thés se consulte d’ailleurs comme une carte des vins. Il y a aussi en salle un bar… à jus.

Côté douceurs, la cuisine n’est pas en reste. Nous avons ainsi choisi des truffes à la texture très ferme, un biscuit aux brisures de chocolat de bonne facture et une agréable tarte au chocolat et à la banane. Dans l’appareil, encore une fois très dense, le goût du fruit était bien marqué. Moins froides, encore une fois, les truffes et la tarte auraient été meilleures.

Ajoutez à cela un service convivial, par moments un peu brouillon, et vous ferez là, sans vous ruiner, d’agréables découvertes, qui vous laisseront la conscience et l’estomac en paix.

Pour deux, comptez, en soirée, environ quarante dollars pour le grand jeu (vous pouvez aisément manger pour moins), avant les taxes et le pourboire.

Bémol: l’escalier aux marches inégales qui va de la terrasse à la salle, où au moins trois clientes ont trébuché pendant notre repas.

Dièse: l’atmosphère décontractée, la cuisine saine et savoureuse.

4631, boul. Saint-Laurent
514 842-3479