Quelle que soit la frénésie qui règne dans le Vieux-Montréal, les calèches passent tranquillement au pied de ces Remparts. De chics touristes, descendus à l’Auberge du Vieux-Port goûter "la différence", flânent dans le hall de l’hôtel où l’on a installé quelques tables nappées de blanc; il y a aussi un bar et la réception de l’auberge; tout est proche et en même temps très loin de ce qui se passe au sous-sol, dans les cuisines des Remparts.
Le restaurant est installé à l’étage le plus bas du très bel édifice qui abritait, il y a un siècle, les cuirs Hector Lamontagne. Les frères Antonopoulos, dynamos de la promotion immobilière dans le Vieux-Montréal, en ont fait une jolie auberge, louangée ici et à l’étranger par les experts de tout acabit, et très prisée par les visiteurs désireux de passer quelque temps dans le Vieux-Montréal, sans nécessairement faire de compromis au niveau de la Sainte-Paix. S’ils sont fins gastronomes en plus, il seront comblés ici.
Il y avait autrefois un très bon chef dans ces cuisines. Il est parti ouvrir son propre restaurant. Réjouissons-nous, ça nous fera une adresse supplémentaire à inscrire dans notre carnet de destinations exotiques; c’est à Beloeil.
Loïc Chazay, le petit nouveau des Remparts est très bien. Enfin, je ne le connais pas intimement, mais au vu de ce qui sort de ses fourneaux, ce doit être quelqu’un de très, très bien. Et qui sait faire la cuisine, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce coin de Montréal. La carte a beaucoup changé. En mieux. On y trouve des produits de chez nous, viandes, légumes et autres fromages, gages de qualité et de bombance lorsqu’ils sont traités avec maestria.
Les repas du midi sont plutôt paisibles (lire: sans faux-pas, mais sans éblouissements particuliers). On sent un peu le train-train et on se croirait parfois dans une bonne maison bourgeoise bordelaise en demi-pension. Ne manque que le rond de serviette et la bouteille de Pauillac de l’abonné, marquée au stylo.
En soirée par contre, même hors festival, on frôle souvent la prouesse pyrotechnique. Pour ne pas vous assourdir tout en vous mettant quand même en appétit, je vous parlerai seulement de deux plats splendides, pleins de fougue, surprenants. Homard et cerf, que de sacrifices pour vous rendre heureux! Plusieurs jours ont passé depuis que j’ai dénoué ma serviette et pourtant juste à vous en parler, j’en salive encore et pourrais courir sauter à nouveau dans les assiettes tant le plaisir fut intense et le souvenir vif.
Le premier s’appelle: "Émulsion de corail et homard grillé, ail rose en chemise et purée de fèves de soja verte". Le second, "Pavé de cerf, artichauts et jus de gibier à la royale". Tout un programme.
Le homard, grillé décortiqué, ce qui lui donne une saveur additionnelle, est servi avec une purée de fèves de soja vertes et de l’ail rose confit. Quelques asperges locales tendres mêlées à des asperges sauvages venues de Gaule ajoutent une touche d’amertume, discrète, subtile, d’une délicatesse presque enfantine. On complète avec une émulsion à base de bisque de homard réduite à laquelle le chef ajoute une crème montée salée et du corail de homard, le tout émulsionné au mixeur. Bonheur installé.
Le pavé de cerf est présenté poêlé sur une purée d’artichauts cuits à la barigoule (huile d’olive, oignons sués, vin blanc et fond blanc), et accompagné de minicarottes et navets. Le jus à la royale, qui sert de lien à tous les éléments de l’assiette et soutient la viande dans sa puissance, claironne l’ail et le thym. On se croirait en forêt dans l’aube vibrante d’un sous-bois fatal à la bête et porteuse d’espoir pour le chasseur. La viande était si tendre que le couteau glissait dedans comme dans du beure et si goûteuse que le palais en était illuminé. Bonheur répété.
Le service est encore un peu approximatif et très orienté vers le touriste de passage, mais on ne doute pas que ça s’améliore avec le temps.
Desserts divertissants, signés Trina Rehel, à qui l’on prédit un bel avenir tant on sent d’amour, de talent et d’application dans le travail qu’elle accomplit. La même remarque s’applique au chef et à sa brigade.
Les Remparts
93, rue de la Commune Est
514 392-1649
Ouvert midi et soir du lundi au vendredi et en soirée les samedi et dimanche. À midi, préparez une vingtaine de dollars par personne avant boissons, taxes et pourboire. En soirée, triplez. Si vous succombez aux nombreuses tentations offertes par la carte des vins, préparez des arguments béton pour votre comptable.