Restos / Bars

L’Atelier : Les nouveaux ateliers

De bons outils, de bons ouvriers et un atelier qui redonne le goût de glisser sa carte dans la "punch-clock" (horodateur, pour les puristes).

Épatant. Ce que le talent peut faire. Prenez par exemple ce local autrefois un peu délabré et qui abritait une de nos adresses préférées lorsque venait le temps de déguster une soupe pho. Y flotte aujourd’hui un air de jeunesse plein d’enthousiasme et de dynamisme réconfortant. On pourrait même aller jusqu’à dire que c’est beau, si l’on était spécialiste en design.

Côté cuisine, deux chefs d’atelier veillent au bon déroulement des opérations. "Patrick Garneau et Benjamin Fortier", dit la carte d’affaire, qui dit aussi: "L’Atelier restaurant". Clientes et clients seront rassurés de tant de sollicitude, des fois qu’ils auraient pris l’endroit pour les Shops à Angus. Pas de bleus de travail ici, plutôt du beau linge, comme dans beaucoup de ces nouveaux endroits qui fleurissent dans le Mile End. Et, aux murs, les photos des fournisseurs. Ainsi, la prochaine fois que vous le croiserez dans la rue, vous pourrez remercier Denis Ferrer de faire du si beau travail avec ses cerfs de Boileau.

Les menus sont clairs à défaut d’être révolutionnaires, comme le laissait supposer le site Internet de la maison, consulté quelques jours avant notre visite. Et les additions sont raisonnables, contrairement à ce que l’on pourrait craindre en admirant le décor.

À midi, par exemple, on peut très bien se sustenter ici pour une poignée de dollars. Une belle petite crème de poivrons rouges et fromage de chèvre ou une salade de betteraves et fromage de chèvre pour commencer; quelques râbles de lapin, sauce moutarde de Meaux, accompagnés de purée de pommes et céleri-rave ou un petit jarret d’agneau braisé sur couscous pour une quinzaine de huards. C’est quand même rassurant de voir qu’on ne nous saigne pas systématiquement. Et comme dans cette section du boulevard Saint-Laurent, les restaurateurs rivalisent de créativité pour proposer des menus de midi bon marché et bien conçus, L’Atelier proposera sans doute de belles choses. Tant que le restaurant sera ouvert à midi. Ce qui a tendance à ne plus être le cas pour beaucoup de restaurants, une fois le rythme de croisière atteint.

En soirée, deux formules sont offertes. Une série de plats à déguster, que l’on partage entre convives et des plats pour le gros appétit. Quelques amusantes propositions en première partie, comme ce tartare de magret de canard des champs d’Élysée, riz rouge et shiitakes, poudre de noisettes, sauce à l’huile de noix et réduction de jerez (à vos souhaits, merci) ou ce risotto de petits-gris et riz sauvage, copeaux de foie gras de Marieville.

Comme à midi, le lapin arrivait sautillant entre quelques asperges vertes poêlées, une ou deux tomates cerise et un filet de vinaigrette au vinaigre de vin jaune et graines de moutarde. Tout était très bien: le lapin moelleux, les asperges al dente et le reste à l’avenant. L’autre entrée, un croustillant de betteraves et canard confit, salade de carottes et baume de mélisse, saupoudré de graines de sésame grillées, était aussi savoureuse. Même si la vinaigrette annoncée, "à la cardamone", était en fait à la cardamome. Mais, vraiment, il faut être vigilant pour s’en apercevoir. Et puis, on ne va pas commencer à chipoter avec des détails comme ça.

En plats plus costauds, un superbe T-bone de cerf de Boileau grillé, sauce aux poivres et bleuets, légumes du marché et un tout aussi impressionnant contre-filet de boeuf, sauce à l’échalote et frites. De belles grosses frites, relevées d’une demi-chistera de piment d’Espelette.

Duo au chocolat Manjari en tartelette et en glace, légèrement pimenté ici aussi, et poire pochée au vin de muscat (en tout cas, c’est ce que disait le menu), glace vanille et génoise grillée concluent la soirée.

On peut regretter de ne pas se faire demander de goûter le vin, un Bourgogne par ailleurs irréprochable, mais quand même, à 12 dollars le verre, le client aime avoir le sentiment de contrôler quelque chose. On peut également s’étonner de ne pas entendre la phrase magique: "Et comme cuisson, ce sera?" au moment de commander la viande. La maison vient d’ouvrir, on suppose que le contremaître va se réveiller. Comme cet atelier appartient à des gens qui travaillent très sérieusement dans leurs autres maisons (À l’os, O’Thym, etc), on ne doute pas que ces petites choses seront réglées rapidement.

L’Atelier Restaurant
5308, boulevard Saint-Laurent
514 273-7442

Ouvert à midi du mardi au vendredi et en soirée du mardi au dimanche. À midi, comptez une quarantaine de dollars pour deux personnes avant boissons, taxes et pourboire. Le soir, doublez. Carte des vins offrant de belles possibilités d’appauvrissement.