Restos / Bars

Zumaia : Îlot basque

Le nom, déjà, plante le décor. Zumaia, c’est une petite ville de ce qu’on appelle le Pays basque espagnol, et en dire plus nous obligerait à entrer dans des considérations politiques compliquées. Mieux vaut laisser parler son estomac.

Le pari, pourtant, n’est pas gagné d’avance. Sur une portion du boulevard Saint-Laurent peut-être moins propice que d’autres à la petite ou à la grande gastronomie, on a repris un local où se trouvait naguère un chic établissement dont je vous ai moi-même rendu compte l’année dernière. Mais quand on sait que Zumaia est le petit dernier du proprio de Pintxo, sympathique maison de la rue Roy dont mon collègue Tastet a déjà dit ici monts et merveilles, on se sent tout de suite en confiance. Impression que confirme une visite.

En salle, on joue la carte de la simplicité et du bon goût. Se dégage d’emblée une impression d’espace, sans doute attribuable au plafond haut et aux grandes fenêtres qui bordent un coin. Il suffit de les ouvrir pour créer une terrasse… à l’intérieur. Le décor tout en blanc, au look "industriel", est adouci par des touches de bois et de brique de même que par un saisissant tableau géant.

Lors de notre visite, on annonçait pour bientôt un bar à pintxos (tapas pour qui aurait oublié ses notions élémentaires de basque), mais, pour le moment, on propose des repas plus conventionnels (j’ai failli écrire "enfin"), car l’homo sapiens, fût-il espagnol, ne se nourrit pas que de petites gâteries.

En entrée, le tartare de pétoncles: des lamelles du mollusque entrelacées de poivrons en julienne et caressées par un peu d’huile d’olive. Pour ajouter de la couleur et du goût, on avait décoré l’assiette d’un trait d’huile de persil et d’un peu de coulis de poivrons bien relevé. Bref, un plat frais, léger et goûteux. En face, une proposition plus robuste: des ris de veau au PX. Appellation laconique et un peu cryptique qui, en bouche, trouve tout son sens. (Pour compléter les renseignements un peu évasifs fournis par la serveuse, j’ai fait un brin de recherche: PX désigne le cépage "pedro ximénès", très tendance en Europe, à ce qu’il paraît.) Une réduction de ce vin doux, à consistance sirupeuse, nappait un ris bien paré et dénervé, à la fois croustillant et moelleux. On l’avait simplement garni de quelques grains de sel. Il y avait longtemps que je n’en avais pas mangé d’aussi bon.

La paella, plat emblématique s’il en est, se rate si souvent et si facilement que j’ai pour politique de l’éviter. Ma compagne s’est laissé tenter par la version proposée par Zumaia. On prévient d’emblée le client que la préparation prend de trente à quarante-cinq minutes. Je ne sais pas pour vous, mais moi, une telle délicatesse me met en confiance. Le riz, bien cuit et bien coloré, était généreusement garni de moules, de rondelles de calmar, de tranches de chorizo, de lanières de poivron et de crevettes entières, qui vous obligent à vous lécher les doigts. Bien fait.

Zumaia propose une morue du jour, poisson que je ne consomme jamais qu’avec un plaisir coupable, pour cause de surpêche. Je me fais une raison (un peu lâchement, je l’avoue) en me disant que c’est pour le boulot. Dans ce cas-ci, le filet, cuit à la perfection, reposait sur un risotto noir, coloré à l’encre de seiche. Nappé d’un peu de sauce pil-pil, le poisson était accompagné de beaux légumes bien préparés, d’où ressortaient des tranches d’aubergine. Une grande réussite.

La maison, outre des vins au verre, surtout espagnols évidemment, a la bonne idée de proposer des demi-bouteilles en carafe.

Il n’y a que deux desserts à la carte. Repus, nous avons quand même décidé de partager un fondant au chocolat. Rien à redire au gâteau, désormais présent sur toutes les tables ou presque. Ici, cependant, pas de glace, de crème anglaise ni de coulis couci-couça. On le sert plutôt au milieu d’une "flaque" d’huile d’olive, très parfumée et savoureuse, saupoudré de cristaux de sel. Verdict? Absolument délicieux.

Sur la Main, les nuits risquent de se prolonger.

À midi, comptez environ 30 $ et, en soirée, de 70 $ à 80 $ pour deux, avant les boissons, les taxes et le pourboire.

Bémol: la carte un peu courte, tant du côté des plats principaux (quatre) que des desserts (deux).

Dièse: la cuisine, sincère et authentique, mise sur de beaux produits bien travaillés.

3712, boulevard Saint-Laurent
514 288-8729