Restos / Bars

Nuevo : Nuevo Plato

La curiosité n’est pas toujours mauvaise conseillère. À preuve: une visite récente chez Nuevo, en pleine jungle du "Plato", où le classique côtoie et même supplante le branché. Comme quoi la vie réserve encore des surprises.

Sur la carte de visite, on lit "NueVo Resto Bar Supperclub Tapas". Sur l’addition: Nuevo Mexican Bar. De quoi perdre son latin, son anglais et même son chat. De quoi aussi entrer là sur la pointe des pieds, armé d’une bonne dose de scepticisme et peut-être même d’un peu de cynisme.

Surtout que le lieu a un petit côté "faunesque": des boules à facettes façon disco, des banquettes en demi-lune, un long bar où on retrouve, outre les traditionnels tabourets… deux balançoires. Plus branché que ça, tu tombes. Au fond, une agréable terrasse couverte. Pourtant, il se dégage de l’ensemble une impression de bon goût (quelle horreur!), qui se confirme au bout d’un moment. L’ambiance est plutôt agréable, le service sympathique et décontracté, le fond musical relativement discret.

L’étonnement le plus grand vient toutefois du menu, qui propose des tapas plutôt traditionnelles, d’inspiration, donc, espagnoles. Le Mexique, dans tout ça? De mémoire, je dirais que la carte n’en contient aucune trace. L’idée de "bar mexicain" est peut-être un vestige d’une vocation antérieure. Mais qu’importe, au fond, puisqu’on mange correctement.

Ayant eu soin de demander au serveur de ne pas tout apporter en même temps, nous avons débuté par un houmous à la texture aérienne, humble préparation que relevaient des tranches de chorizo. J’aime bien le courant actuel qui consiste à marier la purée de pois chiches à de l’agneau, par exemple, ou, comme ici, à un saucisson bien goûteux. Ça fait, comment dire… moins chiche. Prestation beaucoup plus luxueuse (et forcément plus chère), le trio de la mer mettait en vedette deux belles tranches de thon à peine saisies, servies froides, qu’accompagnaient une petite salsa aux agrumes relevée de grains de poivre rose, un tartare de saumon bien piquant (même s’il manquait un peu de sel) et deux pétoncles posés sur une compotée de tomates et de poireaux au goût de fromage, mais qui, vérification faite, contenait du chorizo. Ah! l’alchimie des saveurs! Quand c’est bon, à quoi bon chipoter? À noter, la jolie présentation dans une assiette compartimentée. En cuisine, on s’est de plus arrangé pour que les trois choix se partagent facilement. Les restos oublient trop souvent la dimension conviviale des tapas.

Ainsi mis en confiance, nous avons poursuivi avec un gratin d’aubergine, préparation agréable et toute simple, où l’ail et la tomate donnaient la réplique à des cubes de légumes bien fermes. Autre plat simple et classique, les calmars à la valencienne: de fines et tendres rondelles du mollusque de plus en plus apprécié et présent sur nos tables, des dés de tomates et de l’huile d’olive. Jusqu’à votre cardiologue qui ne trouvera rien à redire. Et enfin, le poulet au miel noir, plat plus risqué puisqu’il arrive souvent qu’on le serve trop sucré. Ici, une touche de vinaigre faisait un adroit contrepoint. On aurait cependant souhaité la viande plus fondante. Comme souvent, le blanc de poulet se révèle un client difficile (à moins que ce soit moi).

La carte des vins, que complète une liste de cocktails "tendance", est courte, mais plutôt bien pensée. On notera en particulier un choix intéressant de vins espagnols offerts au verre.

Au dessert, il ne faut surtout pas rater les churros, petit plaisir coupable qui rappelle irrésistiblement l’Espagne. Des beignets généreusement saupoudrés de sucre (qui devraient faire mourir de honte les "beigneries" archiconnues), qu’on sert seuls ou, moyennant un léger supplément, accompagnés de chocolat fondu. Ils sont chauds, à fois moelleux et croquants, et on vous encourage à faire trempette! Bref, le bonheur.

Qui l’eût cru? Il suffit de faire un saut sur l’avenue du Mont-Royal pour trouver la tradition dans le branché, le classique dans le nuevo. Après tout, ¿por qué no?

L’état des dommages financiers sera évidemment fonction de votre appétit et de vos choix. Pour un repas de tapas, comptez une quarantaine de dollars pour deux, avant les boissons, les taxes et le pourboire.

Bémol: une certaine confusion des genres, le recto de la carte de visite, d’un goût douteux.

Dièse: une ambiance plutôt sympathique, le service décontracté, des tapas bien faites et tarifées somme toute raisonnablement.

775, avenue du Mont-Royal Est
514 525-7000