Restos / Bars

Robin des bois : La copine cachée de Robin

Bois de Sherwood, boulevard Saint-Laurent: même combat. Ou presque.

Tout le monde est pour la vertu. En général, on préfère le gentil Robin au vilain shérif de Nottingham. Dans ces conditions, aller faire la critique d’un restaurant qui s’appelle "Robin des bois – Le resto bienfaiteur" relève de la haute voltige.

Petit samedi soir tranquille.

"-Vous n’avez pas de réservation? Oh, là, là!

-Non, on passait par hasard et on aime vraiment beaucoup le décor et le concept.

-Vous tombez bien, je viens juste d’avoir une annulation."

Les bassesses auxquelles je suis prêt à consentir pour m’asseoir dans un resto! Surtout quand il est bienfaiteur, une rareté extrême dans le milieu, "resto" et "bienfaiteur" étant la formule rêvée pour qui veut expliquer la formule de rhétorique appelée "antithèse".

Le décor, planté par Lidia Minicucci, est invitant, soigné sans ostentation, chic sans tralalas. Le garçon nous explique le concept du restaurant: "Nous sommes un OBNL (organisme à but non lucratif) et tous les profits sont versés à des organismes de charité." Ma fille est rassurée: on peut manger intelligent. Moi encore plus: si les restos se mettent à soutenir les causes sociales, on va s’en sortir. Quelques jours plus tard un midi, la dame qui s’occupe de moi précise: "Nous sommes bénévoles, c’est mon premier jour, je vais essayer de vous servir de mon mieux." Je me sens soudain bénévole à mon tour. Et soulagé, tant elle est d’une extrême gentillesse.

Je suis aussi très soulagé par un autre détail: Robin a une copine secrète et elle ne s’appelle pas Marianne; elle s’appelle Myriam, Myriam Pelletier. C’est elle qui supervise la cuisine chez Robin des bois. Ça a quelque chose de rassurant, je voyais mal Robin poser son arbalète pour préparer un gratin de courgettes en collants vert forêt. Quatre ans chez monsieur Laprise dans les cuisines de Toqué!, quelques années chez Artémise et Aubépin, herboriste distingué qui fournit les meilleures tables de Montréal en tisanes et autres douceurs réparatrices, cette jeune chef a le don de faire de bien bonnes choses avec des produits bios souvent ennuyeux lorsque employés chez soi. On mange sa cuisine et l’on se sent presque instantanément plus brillant. Ça s’appelle du talent et de la générosité, je crois.

Cette soupe de mousserons, par exemple, était à elle seule une bonne raison de venir souper ici. Belle texture, parfumée de sous-bois et accompagnée d’un joli pesto de roquette. Quelques petits pois sucrés rendent la bolinette encore plus amusante. Saumon fumé, crème légère et gâteau de maïs, petit croûton délicatement tartiné d’oignon confit. À notre table, les entrées passent dans le silence, tumulte du plaisir lorsqu’il est partagé autour de plats hors du commun.

Le poulet à l’épice sur quinoa à l’orange laisse sur la faim. "Une seule épice, jeune homme? Qu’elle est-elle?" De retour de la cuisine, le garçon annonce fièrement: "Du curry, monsieur, du curry!" Peut-être un peu succinct comme plat, le curry étant trop distant et la patate douce étouffant le quinoa. On s’attend à une explosion; seul un petit pétard se fait entendre.)

L’endroit est fréquenté par des "peoples". Anne-Marie Cadieux aime souvent les mêmes tables que nous. Au minicomptoir du Robin, elle nous dit beaucoup de bien des galettes de morue et salade, sauce à la coriandre. Ma fille, une admiratrice de toujours, confirme et je seconde. Moelleux et croustillant à la fois, goûteux, divertissant, le plat est une belle flèche dans le carquois de Robin.

Un shortcake aux fraises un peu ordinaire et une amusante croustade aux abricots servie dans un verre complètent le souper.

Lundi midi, une assiette de pâtes de sarrasin à l’aubergine confite, compotée de tomate et poivron, copeaux de parmesan. Le plat constitue un repas tout à fait convenable, surtout pour 12,25 $ et malgré le fait que le parmesan se soit perdu entre la cuisine et la table.

Lorsque vient le moment d’apprécier, doit-on tenir compte du fait que le personnel travaille bénévolement? Après tout, ne vient-on pas ici pour manger et le repas ne coûte-t-il pas à peu près la même chose qu’ailleurs? Lorsque la table est bonne, et ici elle l’est, je crois que cet aspect-là, tout à fait en dehors de la grille d’évaluation habituelle, constitue un plus. Le travail en salle est fait avec application et le client sent chez tout le monde un authentique désir de le servir le mieux possible. Ne pas considérer ceci comme un point positif constituerait sans doute une erreur. Que les personnes aux tables voisines ne commettaient pas, leurs commentaires étant fort élogieux. Comme les miens, d’ailleurs. À vous de vous faire une idée.

Robin des bois
4403, boulevard Saint-Laurent
514 288-1010

Ouvert matin, midi et soir du lundi au samedi. À midi, comptez une trentaine de dollars pour deux personnes avant boissons, taxes et pourboire. Le soir, doublez. Plus vous mangez, plus vous êtes bienfaiteurs. Reprenez donc du dessert et un petit verre de rouge; pour une fois que c’est vraiment pour une bonne cause.